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Crise persistante de l’apiculture en 2022

Malgré des conditions de production très différentes d’une année sur l’autre, l’apiculture ne cesse d’être en crise. 2022 ne déroge pas à la règle. Sortir de la crise, poser les vrais problèmes et apporter les bonnes solutions, telle est l’ambition des apiculteurs et des agriculteurs rassemblés au sein du Réseau Biodiversité pour les Abeilles à l’heure du bilan de la saison.

Une météo déterminante pour la ressource florale

Après la météo humide de 2021, c’est la sécheresse qui a marqué 2022. Les conséquences sont hélas identiques : une faible production de ressources florales pour les abeilles, des carences alimentaires et une baisse de la défense immunitaire. Or la disponibilité du pollen et du nectar est un facteur clé pour l’apiculture. Malgré des miellées de printemps intenses voire exceptionnelles dans certains bassins de production, la succession de canicules et le maintien de températures très élevées ont entraîné un arrêt brutal et durable de l’activité des colonies. Sans fleurs, impossible de butiner ni de développer le cheptel.

Ces difficultés sont pourtant connues depuis des années. Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles s’est d’ailleurs constitué autour de l’objectif de développer les jachères mellifères et autres espaces favorables à la biodiversité utile et à l’alimentation des abeilles. Hélas, ces aménagements restent encore et toujours dans l’angle mort des politiques publiques.


Vive inquiétude après une mutation virale

Bien connu sous le nom de maladie des ailes déformées et pour ses ravages dans les ruches, le virus DWV-A a muté. Le génotype DWV-B est dix fois plus pathogène selon les conclusions d’une étude du Pr. Robert Paxton publiée cet été et réalisée avec l’université Martin Luther de Halle-Wittenberg* (Allemagne). Le nouveau variant aurait déjà remplacé la souche d’origine en Europe. Sa propagation est favorisée par la présence du Varroa, parasite externe de l’abeille, souvent qualifié d’ennemi n°1 des abeilles par les apiculteurs. En outre, le DWV-B ne peut pas être éliminé, y compris par des traitements efficaces contre le Varroa en raison de sa persistance au sein des colonies où il fonctionne de manière autonome.

Ce virus agit à bas bruit et fait périr les ruches avec pour seul symptôme apparent la disparition des abeilles. L’explosion virale est alors d’autant délétère que la colonie n’a pu produire sa défense immunitaire de manière proactive. 

Cette immunodéficience est renforcée par la conjugaison de la présence du Varroa et de l’absence de ressource alimentaire.

L’urgence d’un électrochoc

Si les mauvaises pratiques, apicoles comme agricoles, doivent évidemment être évitées, l’apiculture ne pourra sortir de la crise profonde qu’elle traverse sans un électrochoc. Le financement public de la recherche apicole doit être fléché vers les vrais problèmes pour y apporter les solutions dont les apiculteurs ont tant besoin. L’influence de l’alimentation, la connaissance des maladies, virus et parasites et les moyens de lutte efficaces : voilà quels sont les besoins de la filière.

Depuis 30 ans, un petit cercle de scientifiques ne cache pas son obsession pour la recherche sur les pesticides. Pourtant, chaque interdiction de molécule n’entraîne aucune amélioration de la situation de l’apiculture française qui s’enfonce, année après année dans une crise sans fin. Après les néonicotinoïdes, ce sont aujourd’hui les SDHI, une famille de fongicides, qui sont ciblés. Et demain ? Il est temps de mettre un terme à cette stratégie qui a fait la preuve de son inefficacité pour sortir l’apiculture de la crise. Depuis 30 ans, la logique du bouc émissaire s’est soldée par un échec patent.

Pour garantir à tous les apiculteurs de bonnes pratiques agricoles, il serait plus simple, plus efficace et plus économique, de renforcer les sanctions en cas de non-respect de la réglementation sur l’utilisation de ces produits. Il serait aussi plus juste d’arrêter d’opposer apiculteurs et agriculteurs en rendant systématiquement responsables ces derniers des mortalités d’abeilles et de la situation catastrophique de la filière.

« La réalité est simple : sans agriculture, il ne peut y avoir d’apiculture durable. Une ressource alimentaire de qualité et en quantité est indispensable pour le développement des colonies, le maintien de la défense immunitaire et la production de miel. Or, cette ressource est précisément mise en place par les agriculteurs, que ce soit à travers les cultures mellifères comme par exemple le colza, le tournesol, la luzerne, la lavande, les vergers, mais aussi grâce aux jachères apicoles, aux haies, aux bandes enherbées ou encore aux intercultures qui sont autant de garde-manger pour les butineuses. C’est un axe à renforcer tout comme le volet sanitaire pour offrir aux apiculteurs les moyens de lutte contre les virus, maladies et parasites » souligne Philippe Lecompte, apiculteur bio et Président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles.

« Personne ne conteste que le monde agricole a beaucoup changé depuis une trentaine d’années. Sur le terrain, loin des buzz des réseaux sociaux, les agriculteurs sont aux côtés des apiculteurs. Avec détermination, nous construisons ensemble, et durablement, une relation gagnant-gagnant : nous avons besoin de la pollinisation par les abeilles qui ont elles-mêmes besoin des ressources mises à disposition par l’agriculture. C’est cette voie aussi exigeante que vertueuse qui doit être empruntée d’urgence par tous. C’est ainsi que nous éviterons d’avoir à déplorer un énième bilan apicole catastrophique en 2023 » précise Rémi Dumery, agriculteur en grandes cultures et administrateur du Réseau Biodiversité pour les Abeilles.


D’après une communication de Réseau Biodiversité pour les abeilles

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