Et si vous étiez contrôlé pour vos ânes… Retour d’expérience !
Ça arrive. Et ça n’arrive pas qu’aux autres. Jean-Yves Madec détient des ânes. Il n’en fait pas l’élevage mais il a été contrôlé en 2024, l’occasion de rappeler à tous, les obligations lorsque l’on détient un ou plusieurs équidés.
Si vous êtes contrôlé, vous le serez par un agent de l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation (IFCE). Ils sont plusieurs localisés en France, et rayonnent autour de leur résidence administrative. Le mien habite en Auvergne, pour une inspection dans l’Ouest Lyonnais. Ils groupent leurs visites dans un même secteur et chaque visite dure environ une heure. Vous êtes prévenu par courrier officiel, le cas échéant précédé d’un appel téléphonique. Attention, ces agents sont assermentés, comme ceux des impôts, c’est vous qui vous adaptez à eux, pas l’inverse. Ils vous proposent une date de visite et ne vous laissent pas beaucoup de marge de négociation. Ne pensez pas laisser traîner ou ne jamais être disponible, dans le but de repousser l’échéance, vous aggraveriez les choses.
Que veulent-ils contrôler ?
Ce ne sont pas des vétérinaires, ils ne sont pas fondés à contrôler la santé de vos ânes. Ils viennent pour contrôler que vous êtes en règle par rapport aux obligations réglementaires des détenteurs d’équidés. Malgré cela, ils peuvent quand même s’autoriser à vous faire des remarques sur l’état de vos animaux, à contrôler l’accès à l’eau, la présence d’un abri, le foin ou la paille,… Comme ils font ensuite un rapport à la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP), ils peuvent, au-delà de leur mission réglementaire, remplir une case « observations », dans laquelle ils ont la possibilité de signaler si les animaux sont mal entretenus. Ce rapport est lu ensuite par la DDPP, et l’agent de l’IFCE constitue donc en quelque sorte aussi une sentinelle sanitaire, qui peut entraîner dans un second temps, une visite vétérinaire de la DDPP. Inversement, ce n’est pas parce que vos ânes sont en super forme, dans un super environnement, que vous devez croire que cela suffira à notre inspecteur ! On pense souvent que le fait de s’occuper avec amour de nos ânes, et de démontrer à quel point on est un propriétaire attentionné, nous fera passer l’épreuve de l’IFCE sans encombres. Et bien non… Si vous n’êtes pas en règle, il fera un rapport négatif quand même.
Quelles sont vos obligations réglementaires en tant que détenteur d’équidés ?
En premier lieu, retenez que ces obligations s’adressent à celles et ceux qui détiennent un ou des équidé(s). Peu importe qu’ils en soient propriétaires ou non. Si un ami propriétaire d’ânes vous les confie chez vous pendant les 3 mois d’été pendant lesquels il n’est pas là, vous devenez de facto un détenteur d’équidés. Cette situation est très fréquente chez les chevaux de sport, qui peuvent appartenir à un propriétaire normand, mais être détenus pendant 6 mois dans un centre d’entraînement en Auvergne. C’est plus rare pour les ânes, mais pensez-y si vous confiez, ou si l’on vous confie, un âne temporairement. La réglementation est la même.
Ces obligations sont au nombre de 4 :
1. Vous devez tenir un registre d’élevage, dans lequel doivent être recensées plusieurs informations. En pratique, il s’agit d’un classeur, avec différentes rubriques (voir ci-dessous). Ce registre est obligatoire à partir du premier équidé.
2. Vous devez avoir déclaré officiellement votre lieu de détention. En pratique, vous devez aller sur votre espace SIRE sur le site de l’IFCE, et remplir un formulaire intitulé « Attestation d’enregistrement d’un lieu de stationnement d’équidés ». Un numéro unique de ce lieu va vous être donné. Attention, ce lieu est le lieu habituel de stationnement des équidés, pas forcément votre habitation. Si ce lieu est temporaire (alternance hiver/ été, par exemple), il faut enregistrer un deuxième lieu de stationnement. En gros, l’IFCE doit savoir où sont vos ânes à tout moment.
3. Uniquement si vous détenez 3 équidés ou plus (pensez à la ponette qui tient compagnie à vos deux ânes !), vous devez déclarer un vétérinaire sanitaire. En pratique, vous devez remplir un formulaire CERFA disponible sur Internet (Cerfa N° 15983*01), intitulé « Désignation du vétérinaire sanitaire par le détenteur d’animaux », que vous devez faire remplir et signer par votre vétérinaire, puis envoyer à la DDPP pour qu’ils accordent cette désignation, en signant et vous renvoyant par courrier ce document. Vous devez être en mesure de présenter ce document signé par la DDPP à l’agent de l’IFCE.
4. Enfin, depuis fin 2022, sauf si vous êtes un professionnel des équidés, vous devez justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance sur les équidés. En pratique, les vétérinaires peuvent fournir à leurs clients un document de quelques pages qui explique comment accueillir un ou des équidé(s), leurs besoins généraux et spécifiques (par exemple pour les ânes), qu’il s’agisse des besoins physiologiques (alimentation, abreuvement, hébergement,…), comportementaux et sociaux, en terme d’activités, de soins, incluant les notions de maltraitance et de bien-être, ainsi que les principaux éléments de réglementation (identification, transport, achat/vente,…). Ce document est co-signé par le détenteur d’ânes et le vétérinaire et constitue le certificat demandé. Le vétérinaire atteste ainsi que vous avez pris connaissance des notions fondamentales de base liées à l’accueil et l’entretien d’un ou de plusieurs équidés.
Contenu du registre d’élevage
Comme indiqué ci-dessus, tout détenteur d’équidés a l’obligation de tenir un registre d’élevage régulièrement mis à jour, sur lequel il recense chronologiquement les données sanitaires, zootechniques et médicales relatives aux animaux élevés.
Le format du registre est libre. Vous trouverez des modèles sur le site de l’IFCE, sous la rubrique « registre d’élevage ». Vous pouvez aussi trouver des modèles sur Internet en cherchant registre d’élevage, inspirez-vous de chacun et faites le vôtre.
Le format classeur est plutôt pratique, cela permet une grande flexibilité d’agencement. En plus, vous devez présenter un format papier à l’agent de l’IFCE. Donc si vous tenez tout cela sur des tableurs sur ordinateur, vous devez imprimer les tableaux à jour pour la visite.
Dans tous les cas, on doit y retrouver :
- Un plan du lieu de détention, incluant les bâtiments et les terrains. Une impression papier d’une vue aérienne captée sur « Géoportail », avec les contours de « l’élevage » surlignés au feutre, convient très bien.
- La liste des personnes externes intervenant sur le lieu de détention, avec leurs noms et coordonnées (vétérinaires, maréchaux, dentistes, ostéopathes, autres)…
- La liste et les caractéristiques des équidés présents. Cela comporte leurs noms, numéros SIRE, numéros de transpondeur, nom et coordonnées du propriétaire, date de première entrée chez vous, motif d’entrée, adresse de provenance.
- La liste des mouvements temporaires des équidés. Cela comporte le nom de l’âne, la date de sortie de chez vous, le motif (fête de l’âne à Farnay, par exemple !), le lieu de destination et la date de retour. Si vous restez dans votre commune pour une balade avec votre âne, il ne faut pas le recenser. Par contre, si vous partez plus loin, oui !
- La liste des interventions et soins courants. Cela comporte le nom de l’âne, la date d’intervention, le motif et les traitements éventuels.
Attention à bien penser à tous les intervenants, pas uniquement le vétérinaire ! Souvent on ne pense qu’au vétérinaire parce qu’une ordonnance ou une signature et un tampon (vaccination) sont associés à sa visite. Mais vous devez aussi recenser les visites du maréchal, par exemple. En appui de ce tableau, vous devez bien sûr avoir toutes les ordonnances et les carnets de santé à jour de vos ânes.
Contrôle physique des animaux
Enfin, ce contrôle ne s’arrête pas à la table de la cuisine ou du salon, il faut ensuite aller voir les ânes ! L’agent de l’IFCE contrôlera chaque âne, il vérifiera avec son transpondeur la présence et l’exactitude de la puce électronique et la conformité du signalement physique de l’âne avec son carnet de santé. C’est à cette occasion qu’il jette un œil aussi à l’environnement général de l’âne, ses conditions de vie, son état. Vous êtes tenu de lui faciliter l’accès aux animaux en assurant leur contention afin de permettre une lecture facile des identifications. Si un animal est inapprochable, il le signalera et vous serez recontrôlé. Il faut bien sûr que le nombre et la nature des équidés inscrits sur le registre d’élevage, et ceux observables sur le terrain, coïncident exactement. Dans le cas contraire, il notera, soit l’absence d’équidés pourtant inscrits au registre, soit la présence d’équi- dés non inscrits au registre.
Et la suite ?
A la suite de la visite, l’agent vous dit ce qui ne va pas et ce que vous devez faire. Il vous dit aussi qu’il va envoyer tout cela à la DDPP dans un rapport, dont vous aurez une copie. Ce rapport sera accompagné d’une lettre de rappel à la réglementation, plus ou moins étoffée selon les écarts constatés bien sûr. Ce rappel est la première étape et il est difficile de dire ce que vous risquez ensuite, tout dépend de la gravité des écarts. Avoir oublié de mentionner le numéro de téléphone de son vétérinaire, ou la vue aérienne de son élevage, n’est pas aussi grave que de détenir des animaux non identifiés.
A la fin de l’inspection, l’agent a aussi une idée globale de la situation, il se rend bien compte s’il a visité un élevage où seuls quelques points sont à améliorer, ou bien si tout reste à faire ! Il est également vigilant aux situations de maltraitance, c’est d’ailleurs le sens du certificat d’engagement et de connaissance pour la détention d’un équidé, du décret 2022-1012 du 18 juillet 2022, qu’il contrôle. Des visites de la DDPP, voire de la gendarmerie dans certains cas extrêmes, peuvent le cas échéant être nécessaires après la visite de l’agent de l’IFCE …
En conclusion, je dirais que cette expérience inattendue a été plutôt bénéfique. Elle m’a incité à classer mes papiers et à rajouter ceux qui manquaient. J’ai eu la chance d’avoir été appelé 6 mois avant par l’agent de l’IFCE, avant de recevoir le courrier officiel, preuve qu’il était dans un esprit de pédagogie et non de stricte répression. Au cours de cet appel, il m’a rappelé ce qu’il devait trouver en arrivant, et les 6 mois m’ont permis de combler les trous… Par ailleurs, la tenue de ce registre m’a servi personnellement, pour remonter dans le passé et me rafraîchir la mémoire sur une ânesse qui a souvent été soignée. Je trouve également positif qu’un détenteur d’équidé soit informé sur les conditions d’accueil et d’entretien de nos ânes, nous sommes tous conscients de cela entre nous, mais tous les détenteurs d’ânes n’adhérent pas à Braire* ! Enfin, si une épidémie nationale d’une grande maladie équine devait survenir, nous serions bien heureux de limiter sa diffusion et de protéger nos ânes, en sachant identifier rapidement les cas positifs et leurs lieux de détention. Au final, cette brève synthèse n’a pas l’ambition de présenter tous les détails de la réglementation, mais elle vise à rappeler les points principaux permettant de passer l’inspection sans difficulté. Chacun pourra ensuite approfondir ces éléments en naviguant sur Internet, notamment sur le site de l’IFCE.
D’après un article de Jean Yves MADEC paru dans le Hi-Han N°106 - septembre 2024 (Revue éditée par l’Association BRAIRE*)
*BRAIRE - Bureau Régional de l’Âne : Information, Revalorisation, Entretien. L’Association BRAIRE a pour buts :
- D’aider au développement de l’élevage asin par l’information, la formation, l’appui technique et sanitaire, la sélection etc...
- La revalorisation de l’âne par ses utilisations de travail et de loisirs dans le patrimoine traditionnel rural.
- L’utilisation des espaces naturels par la contribution des ânes à l’entretien des zones difficiles.
Renseignement et adhésion :
https://lesanesdebraire.fr/
