- Par AP
Céréales à paille, maîtriser les mauvaises herbes
Le désherbage, une charge de structure ? On peut le considérer comme tel puisqu’il est indispensable de jouer sur 3 grands leviers pour maîtriser les mauvaises herbes sur une parcelle. La chimie rend de grands services mais ne peut à elle seule tout résoudre. C’est la mise en œuvre de différentes techniques succession des cultures, travail du sol, lutte chimique - qui permet de contrôler les adventices.
- pratiquer une rotation de famille de culture
- intervenir durant l’interculture «0» adventice le jour du semis
- Rechercher un desherbage performant - allterner les familles d’herbicides
La connaissance des adventices de la parcelle
La connaissance des adventices est une donnée essentielle pour raisonner sa stratégie de désherbage
La connaissance des mauvaises herbes est la première donnée essentielle pour mettre en place une stratégie de lutte efficace puisqu’elle permet de :
- prévoir une intervention à la bonne période,
- se fixer des priorités d’action sur les adventices les plus problématiques,
- intervenir avec la bonne technique (intervention chimique et/ou mécanique, travail du sol approprié).
Pour cela, il est indispensable de connaître les périodes de levée préférentielles ou de reprise de végétation des mauvaises herbes à combattre.
La rotation, premier levier agronomique de lutte
L’alternance de cultures d’automne et de printemps, de cultures de graminées et de dicotylédones dans la rotation va permettre :
- la non prolifération de certaines plantes du fait d’une incapacité à se développer par étouffement ou par esquive de leur période de levée préférentielle,
- la destruction des mauvaises herbes par des désherbants spécifiques dans chaque culture,
- la présence de prairie dans la rotation est aussi un levier efficace pour réduire la pression des mauvaises herbes.
Des mauvaises herbes font de la résistance
Les herbicides sont nombreux mais appartiennent à un nombre limité de familles chimiques.
Les facteurs qui favorisent l’apparition des résistances :
- Utilisation très fréquente d’herbicides au même mode d’action => sélection des quelques individus résistants qui peuvent être présents sur la parcelle, en particulier dans le cadre de la monoculture ou des rotations courtes.
- Efficacité non maîtrisée => multiplication des individus résistants.
Quelles sont les solutions ?
- Mieux vaut prévenir que guérir.
Au sein de la rotation, il faut jouer sur l’alternance des familles de produits et donc des modes d’action des herbicides.
- En cas de résistance avérée : mettre tout en œuvre pour réduire les populations.
Intervenir à l’interculture et viser «0 mauvaise herbe» le jour du semis
La période d’interculture laisse le temps de réaliser plusieurs déchaumages. Ils permettent de détruire les adventices développées au moment de l’intervention et favorisent la levée de bon nombre d’adventices qui peuvent germer à cette période. Il est alors possible de détruire les nouvelles levées par une autre intervention mécanique ou chimique, ce qui réduit le stock semencier de la parcelle.
Les spécificités du non-labour
En non-labour, la maîtrise des mauvaises herbes commence par une bonne gestion de l’interculture. Les techniques mises en œuvre durant cette période (déchaumage, faux semis, désherbage chimique) compensent en partie l’absence du labour.
La suppression du labour peut conduire à une évolution rapide et à une spécialisation de la flore quand cette technique est associée à des rotations de cultures d’automne. Le non labour favorise les mauvaises herbes dont les graines ne sont capables de germer qu’en surface comme le brome, le séneçon. On sera attentif également à toutes les graminées d’automne et au gaillet.
Le non-labour entraîne une augmentation de la matière organique à la surface du sol qui peut piéger certaines matières actives et limiter ainsi l’efficacité des herbicides racinaires. Répartir et enfouir au mieux les résidus de récolte afin de limiter ces risques. Si le taux de matière organique en surface est élevé (beaucoup de résidus), on privilégiera les produits à action foliaire.
L’implantation d’un couvert durant l’interculture est une pratique peu fréquente avant une céréale d’automne car elle implique un couvert à croissance très rapide comme la moutarde, ou un mélange tournesol - phacélie ou les repousses de la culture précédente. Toutefois, en non-labour, un couvert homogène et bien développé est assez étouffant pour réduire le salissement par les adventices. C’est donc une technique qui peut contribuer à la maîtrise des mauvaises herbes à condition de la réserver aux parcelles les plus propres. Sur une parcelle sale, priorité aux déchaumages et interventions chimiques en présence de vivaces.
Lutte contre les vivaces
Actuellement, on dispose de suffisamment de moyens pour pouvoir contrôler les principales mauvaises herbes vivaces, à condition de rester vigilant pour ne pas laisser s’étendre les premières infestations.
Rappelons les principes généraux de lutte :
- Intervenir en début d’infestation. Sur de fortes infestations, il faut souvent 2-3 ans pour se débarrasser du problème.
- Profiter des opportunités dans la rotation. L’interculture est souvent la meilleure période.
- Intervenir sur végétation active, à un stade sensible de la plante et en tout cas suffisamment développé pour qu’elle soit réceptive.
Lutte agronomique
Travail du sol :
Le labour est plutôt défavorable aux vivaces. Les outils à dents sont préférables pour le déchaumage.
Rotation :
Il y a 2 aspects à prendre en compte :
- les possibilités de développement de telle vivace dans telle culture (si le terrain est déjà occupé par une culture suffisamment compétitive à la période d’émergence de la vivace, elle ne pourra pas se développer) ;
- les possibilités de lutte chimique.
Par exemple, le pois ou le tournesol sont favorables au chardon : cette vivace émerge à un moment où le terrain est encore peu occupé et il n’y a pas de désherbant efficace contre le chardon dans ces cultures.
Le désherbage dans la culture
Le désherbage chimique ou mécanique en végétation doit permettre de gérer les mauvaises herbes que l’on n’a pu maîtriser avec les moyens de lutte agronomique.
Le désherbage mécanique est une technique alternative et complémentaire au désherbage chimique qui permet de limiter le recours aux herbicides, mais qui présente également d’autres atouts agronomiques :
- nivellement du sol et destruction de la croûte de battance
- amélioration de la porosité de surface
- limitation des pertes en eau et du ruissellement.
Trois techniques peuvent être pratiquées (herse étrille, houe rotative et bineuse de précision), mais la herse étrille est la technique préférentiellement utilisée en céréales à paille.
La herse étrille
Principal outil utilisé en agriculture biologique, la herse simple est polyvalente et s’adapte à un grand nombre de cultures. Constituée de battis articulés et indépendants munis de dents longues et souples, elle déracine les plantules aux stades jeunes grâce aux vibrations des dents qui travaillent le sol de façon très superficielle. L’efficacité du hersage est d’autant plus élevée que l’on intervient sur des plantes jeunes. Aussi les adventices bien implantées ne seront pas affectées. La difficulté est de trouver un réglage suffisamment agressif des dents sans altérer la culture en place.
La préparation du sol et le semis viseront à garder un sol nivelé, avec le minimum de marques de roues.
Le semis de la céréale à une profondeur régulière (3 cm) permet un hersage superficiel avant la levée sans atteindre les graines en cours de germination.
Herbicides
Les conditions d’emploi des herbicides conditionnent la réussite du désherbage. Selon le mode d’action des produits (racinaires, foliaires de contact, foliaires systémiques, racinaires et foliaires), il est important de tenir compte de la météo, ainsi que des caractéristiques de la bouillie de pulvérisation et de l’état du sol.
Lors du désherbage des céréales, il existe des risques de transfert des produits phytosani-taires vers les eaux de surface (ruissellement, drainage) ou vers les eaux souterraines (lessivage), en particulier juste après un traitement
Il convient donc de limiter ces risques par des pratiques adaptées prenant en compte les caractéristiques de la parcelle (nature du sol, profondeur, pente, sens du labour, état de surface (battance), hydromorphie, drainage). Sur les parcelles à risque* :
- éviter de traiter juste avant un épisode pluvieux annoncé ;
- utiliser un produit peu mobile et peu persistant (certains produits sont plus ou moins mobiles dans le sol du fait de leurs caractéristiques intrinsèques) ;
- éviter d’appliquer certaines substances actives (celles qui sont très mobiles dans la solution du sol) en pleine saison de drainage, lorsque le sol est saturé en eau (en moyenne de décembre à mars dans la région) ;
- intervenir sur des adventices jeunes (stade 2-3 feuilles de la céréale) pour limiter les doses. En sol hydro-morphe sensible à l’excès d’eau, préférer un désherbage de pré-levée.
La mise en place de bandes enherbées ou le maintien d’obstacles naturels (haies, talus, etc.) sont des solutions pour réduire le ruissellement et contribuent aussi à limiter les risques de pollution liés au phénomène de dérive du brouillard de pulvérisation.
Pour limiter les risques de pollution accidentelle vous devez vous conformer à la réglementation sur l’utilisation des produits phytosanitaires
Par ailleurs, il est obligatoire de stocker les produits phytosanitaires dans une armoire ou un local réservé à cet usage, fermé à clé, aéré ou ventilé.
*La caractérisation des parcelles nécessite de réaliser un diagnostic sur le terrain.
Méthode agronomique
- Multiplier les déchaumages (faux semis).
- Implanter sur une parcelle propre.
- Labourer après un échec au désherbage.
- Introduire une culture de printemps.
Méthode chimique
- Ne plus utiliser les herbicides ayant les modes d’action mis en cause
- Alterner les modes d’action parmi ceux qui restent
Eviter la propagation
- Finir la récolte par les parcelles avec adventices résistantes.
- Nettoyer la moissonneuse et les outils de travail après récolte
- Ne pas utiliser de semences de ferme provenant de ces parcelles
D’après le Guide pratique «désherbage des céréales à paille» Arvalis institut du végétal ; Chambres d’agriculture Pays de la Loire