Complémentation minérale au pâturage

«Au pâturage, pas de complémentation minérale nécessaire. L’herbe est naturellement et suffisamment riche en minéraux. La preuve, la faune sauvage se débrouille très bien toute seule !». Nous avons tous entendu au moins une fois dans notre vie cette réflexion frappée à priori d’un certain bon sens, mais empreinte d’un manque d’observation et de quelques lacunes en alimentation des ruminants... 

Complémentation minérale  au pâturage

Il est en effet parfaitement établi aujourd’hui que :

- si les cervidés sauvages se contentent de ce qu’ils trouvent, ils ne sont pas exempts de carences (c’est le cas en particulier pour le sodium et certains oligo-éléments), et ceci malgré des niveaux de productions et de chargement qui n’ont absolument rien à voir avec ceux de nos ruminants d’élevage, 

- les profils en minéraux de l’herbe sont à la fois très déséquilibrés entre les différents éléments minéraux, le plus souvent carencés pour bon nombre de ces éléments, et surtout très variables selon les espèces végétales et de multiples autres facteurs que nous allons décrire,

- de nombreuses phases d’élevage importantes (mise à la reproduction, fin de gestation, croissance) se réalisent au pâturage, augmentant d’autant les besoins minéraux des animaux et les risques de carences zootechniques et sanitaires. 

 Teneurs et facteurs de variation

La teneur en minéraux de l’herbe varie généralement de 1 à 10 pour la plupart des éléments minéraux, mais cette fourchette peut aller de 1 à 200 pour le sélénium et de 1 à 260 pour le calcium. Les principaux facteurs de variation sont la nature du sol, l’espèce et la variété végétale, la conduite des pâturages, l’utilisation d’engrais et d’amendements, le climat... (Tableau 1)

Quelles que soient les conditions de pâturage, les teneurs de l’herbe ne sont jamais suffisantes pour l’ensemble des éléments minéraux.  Elles le sont d’autant moins quand il s’agit de prairies permanentes ou temporaires mono-spécifiques à base de graminées. Une complémentation est donc toujours nécessaire et d’autant plus importante que des objectifs de production (ou de reproduction) sont fixés. A défaut, des carences vont s’installer.

Signes de carences

Ces signes apparaissent progressivement et très lentement et sont, de ce fait, de diagnostic très difficile et de traitement particulièrement long. Il s’agit tout d’abord de troubles métaboliques (maldigestion, malabsorption, décalcification...), puis fonctionnels (retard de croissance, baisse de production, infertilité, mortalité embryonnaire...) et enfin de signes cliniques (boiteries, mauvaise délivrance, chute de poils ou de laine....) (Tableau 2).

On le voit à travers le tableau 2, la reproduction est la première fonction altérée par les carences minérales, que ce soit lors de la conception (baisse de fertilité) ou lors de la mise-bas. Il faut donc être particulièrement vigilant à la complémentation autour de la période des saillies et en fin de gestation.

Au pâturage comme en bâtiment, la complémentation minérale passe d’abord et avant tout par la mise à disposition d’un bloc de sel. Si la complémentation d’animaux à l’entretien peut se satisfaire d’un bloc de sel enrichi en oligo-éléments, nous considérons que la complémentation d’animaux carencés ou en phase de production ou de reproduction active ne peut pas passer efficacement par cette solution. En effet, la consommation de ce type de bloc n’est influencée que par l’appétit spécifique (et donc le besoin) des ruminants pour le sel, et en aucun cas par leur besoin en oligo-éléments. De plus, les consommations journalières de bloc par animal sont faibles, et cette solution ne permet pas d’apport vitaminique. Il est donc préférable d’utiliser un bloc de sel pur (ou spécifiquement enrichi en un élément minéral lorsqu’une complémentation à long terme est recherchée, comme c’est le cas avec le zinc -PIERRE O ZINC- pour l’amélioration de la qualité de la corne des onglons).

A ce bloc de sel pur, on va adjoindre une complémentation minérale en libre-service, sauf si une complémentation alimentaire est mise en place, auquel cas on mélangera un minéral semoulette ou granulé comme on le fait en bâtiment. Cette supplémentation minérale en libre-service se fait grâce à un seau ou une bassine lécher. Avec ce produit, c’est l’appétence de la mélasse ou du lactosérum utilisé qui va assurer des consommations adaptées et suffisantes pour une complémentation minérale efficace. Autre avantage de cette solution : elle permet l’apport de l’ensemble des éléments minéraux (macro-éléments et oligoéléments) et vitaminiques.

Le choix de la formule va dépendre de :

  • de l’espèce animale : 

ne pas utiliser de minéral contenant du cuivre sur des ovins,

  • de la période d’utilisation 

à la mise à l’herbe, un seau riche en magnésium (ALIMAL HERBE) permettra de compenser le profil déséquilibré de l’herbe jeune et de limiter les risques de tétanies d’herbage,

  • du stade physiologique

le flushing ou la fin de gestation devront faire l’objet d’une complémentation avec des minéraux spécifiquement équilibrés pour chacun de ces stades (ALIMAL FLUSHING / ALIMAL PRE-PART),

  • du niveau de la complémentation souhaité (exemple d’ALIMAL OLIGO VR plus riche en oligo-éléments et sans vitamine ou d’ALIMAL ZINCOBIOTINE plus riche en zinc et vitamine B8 pour améliorer la qualité de la corne des onglons).

Certaines formules intègrent des extraits végétaux ayant des propriétés antiparasitaires (ALIMAL OLIGO VR, NATUR-ABLOC VR), d’autres sont spécifiquement conçues pour pouvoir être utilisées en élevage biologique (NATUR-ABLOC VR).

L’utilisation de bolus est une solution alternative. Ces bolus permettent l’apport de macro et/ou d’oligoéléments à des doses journalières suffisantes pour une complémentation efficace sur une longue durée (généralement plusieurs mois). Par contre, ils ne permettent pas une complémentation vitaminique qui devra être mise en place par ailleurs.