- Par Silvia Carrio Durich
Entretien avec un jeune installé en brebis laitières et intéressé par la qualité du lait
Je suis chez Maxime Mahuzies, dans la petite commune de Lamillarié dans le Tarn, tout près d’Albi.
Maxime a juste 24 ans, et cela fait déjà 2 ans qu’il s’est installé en GAEC avec ses parents, GAEC DE LARIGNE avec 480 brebis Lacaune lait.
Je lui ai rendu visite en tant que nouvel adhérent de l’Alliance Pastorale. Il m‘explique « tout » sur ses brebis avec grande passion : ce qu’elles ont comme ration ; tous les résultats de sa production : fertilité, prolificité et productivité ; comment il prépare la lutte et la mise bas ; quels sont les traitements prophylactiques à prévoir systématiquement et les problèmes sanitaires qu’il a rencontrés tout au long de cette campagne.
Il est très méthodique et rigoureux dans son travail. Mais moi, je suis captivée par son enthousiasme et son envie d’apprendre et de s’améliorer... Il éprouve une passion forte pour ce métier et il me dit, à petite voix, que peut-être, il s’agirait pour lui d’une raison génétique !!! Chez lui, il y a toujours eu du vivant et c’est avec « le vivant » qu’il voudrait continuer à travailler.
On continue la visite et il me montre la bergerie, les animaux... Enfin, nous arrivons à la salle de traite, et c’est à ce moment-là qu’il me raconte que ces derniers jours ils ont eu quelques soucis au niveau de la qualité du lait qu’ils n’arrivent pas à bien maîtriser.
Trouver la solution à son problème de qualité demande une étude plus détaillée ; une visite approfondie de la salle de traite ainsi que du déroulement de la traite en elle-même.
Quelques jours plus tard, le matin à 6h00 pile, je me rends dans son élevage pour rechercher la pièce du puzzle qui pose problème. Nous avons méthodiquement tout évalué autour de la traite et du lavage de la machine et ainsi pu identifier plusieurs aspects à modifier qui vont lui permettre d’améliorer la qualité de son lait...
Après le travail... le « 3ème temps » est arrivé autour d’une table garnie de bonne viande…mais surtout, d’un bon fromage... Bien sûr ! Nous sommes dans « le pays du fromage » !
Et entre paroles et fromage, on discute autour du monde rural ; des avantages et des inconvénients de ce monde et de ce métier… C’est ainsi que je décide de faire témoigner ce jeune éleveur ; il me semble un bon exemple pour découvrir et comprendre ses raisons de reprendre l’élevage familial ; les démarches et les contraintes qu’il a rencontrées pour s’installer... et enfin, pour vous montrer la fierté de ce jeune paysan !
- Combien d’habitants y a-t-il dans ton village ?
A peu près 500.
- Combien d’exploitations y a-t-il dans ton village ?
7, dont 4 sont des jeunes agriculteurs / éleveurs.
- Combien en Lacaune lait ?
Juste moi.
- Pourquoi vous avez choisi Lacaune lait ?
Fin 2021 on a su par le bouche-à-oreille qu’une laiterie cherchait a créer un point de collecte entre l’Aveyron et le Tarn… et aussi parce que je suis fasciné par la technicité du système laitier !!
- Et ensuite ?
Je suis allé voir la Chambre d’Agriculture du Tarn, et j’ai commencé le parcours « Jeune installé ». Deux options sont proposées, soit une installation plus rapide et moins contraignante mais sans aide jeune installé, soit l’option avec l’aide mais qui nécessite plus de temps et des engagements plus fermes vis-à-vis du projet et de la région. J’ai choisi cette dernière option ; elle impliquait des heures obligatoires de stage collectif et de pratique à suivre pour apprendre à gérer une exploitation, connaître les partenaires, la comptabilité, etc. Il y a 21 heures dites “obligatoires” et 21h complémentaires au cours desquelles ils nous conseillent aussi sur la situation juridique qui nous convient le mieux par rapport à notre situation particulière.
A la fin de ces stages collectifs, les futurs installés doivent élaborer un prévisionnel de leur projet. Ensuite, les stagiaires sont dirigés vers un conseiller d’installation particulier à qui on explique notre projet et qui nous prodigue ses conseils. Après ajustement et validation de l’étude, un rendez-vous est fixé avec le banquier, le comptable, le conseiller d’installation ; tous sont autour de la table pour donner leur avis et trouver un compromis avec le futur installé. La banque fixe la somme qui nous sera prêtée et le comptable valide si le projet est faisable. C’est à partir d’un avis financier positif que la demande de la DJA (« Dotation jeune agriculteur » ) est possible. Le montant est variable selon le projet et sa zone géographique (zone de plaine, piémont ou montagne) elle peut aller de 15.000 à 47.000€.
Après dépôt du dossier de demande à la DDT, s’enchaîne un long parcours administratif pour savoir si notre demande est accordée. Si celle-ci est validée par la commission départementale permanente du conseil de région, nous pouvons demander un acompte de 80 % après avoir justifié (avec des factures) de l’état d’avancement du projet.
- C’est compliqué l’administratif ?
Pas compliqué, sinon que c’est long parce qu’ils nous demandent toujours les mêmes choses. Mais dans l’ensemble, ça s’est très bien passé pour nous. Nous n’avons pas trop mal géré du tout !
- Mais toi, tu avais déjà les terres. Cela simplifie l’affaire, n’est-ce pas ?
Oui, bien sûr. Je n’ai pas eu besoin d’acheter de terres ni même d’investir pour acheter. S’il faut acheter des terres c’est compliqué. A l’heure actuelle il est très difficile pour une personne qui souhaite s’installer agriculteur hors cadre familial, la conjoncture ne le permet plus.
- Mais acheter des terres c’est possible ? Il y en a de disponibles pour acheter ?
Ça dépend des régions. Ici dans le Tarn on en trouve selon où l’on se trouve. Dans l’Aveyron c’est plus compliqué. Une option plus facile est d’acheter la ferme et de louer les terres. En plaine c’est plus facile qu’en montagne.
- Est-ce que tu as trouvé de l’appui technique pour t’accompagner et te conseiller ?
Nous avons la Maison de l’Elevage. C’est une association créée par des producteurs. Elle propose un service ovin grâce à un technicien spécialisé ovin qui fait le suivi de l’élevage et fournit de l’appui technique. Ils nous font aussi le contrôle laitier : 4 fois l’année, dont 1 fois gratuite si l’on est jeune agriculteur. Nous payons une adhésion à la maison de l’élevage en fonction du service qu’on demande. Pour nous c’est 2200 €/année. Ils nous préparent aussi les rations, établissent un plan de monte et une liste de brebis à réformer. C’est du conseil ! L’insémination est réalisée par Ovitest.
Pour finir nous avons aussi notre véto local, et maintenant aussi, l’Alliance Pastorale.
- Pourquoi as-tu repris la ferme ? J’ai toujours voulu faire ça, depuis tout petit ! C’est pour ça que je me suis orienté vers des études agricoles dès le lycée. Je crois que c’était inscrit dans mes gènes. Mes parents et grands-parents travaillaient à la ferme et je venais toujours les aider.... Maintenant je pense que c’est un parfait mélange de travail, de loisir et de passion qui me convient très bien. Ma motivation n’est pas économique. C’est sûr ! Ce que l’on gagne avec le lait ne peut pas intégrer toutes nos heures de travail, et nous avons encore des difficultés à employer de la main d’œuvre extérieure pour se dégager du temps libre, heureusement que nous sommes 3 pour faire un roulement de temps en temps quand la situation le permet. Mais j’aime travailler dehors avec le vivant et entreprendre des projets qui répondront je l’espère, aux attentes sociétales et environnementales de demain.
- Alors qu’est-ce qu’il faudrait améliorer ? Comment faudrait-il faire ?
C’est politique. Il faudrait que l’industrie agroalimentaire et la grande distribution nous laissent une partie de leurs marges … nous ne sommes pas leurs esclaves. Il y a une loi qui est prévue par rapport à cela, mais elle est détournée.
Ensuite au niveau technique… si on réfléchit sur comment réduire nos charges, je crois qu’on ne peut pas faire mieux sur notre exploitation. On achète déjà très peu à l’extérieur. On essaye d’être autosuffisant. Concernant la partie culture, nous essayons de réduire le plus possible de passage (semis direct par exemple).
- Et si on parle du partage ? De la Cuma ?
Oui, ça c’est bien. On y est déjà. Nous avons une Cuma locale très dynamique. 60% du matériel vient de la Cuma et une partie des travaux réalisés sur l’exploitation (pressage, pulvérisation et entretien des haies) sont effectués en service complet avec un coût très compétitif. Ça nous permet de plus se consacrer aux troupeaux.
- Est ce qu’il y a de la place pour d’autres espaces de partage ?
Oui, nous adhérons aussi à une OP.
L’intégralité des producteurs de la laiterie y adhèrent, quant à moi je fais partie du conseil d’administration. Grâce à cette OP nous avons plus de force pour négocier et valoriser notre produit.
Il est protégé parce qu’il répond à des standards de qualité et de terroir.
- Et par rapport à la vente directe ? La production locale ? La mise en valeur de l’économie régionale?
La vente directe, ça se fait sur quelques exploitations, mais c’est un autre travail et un autre volet à développer. Il y a encore de quoi faire. Comme j’ai l’habitude de dire “c’est un autre métier” pas faisable pour tout le monde ni sur toutes les exploitations.
- Et pour finir, nous revenons à l’ALLIANCE. Êtes-vous satisfait de cette visite que l’on vous a faite ? Du service qu’on a pu vous proposer ? Vous a-t-on amené du « positif » ?
Oui. Très bien. C’est justement ça qu’il nous faut !! De l’appui technique et un regard extérieur différent du nôtre qui nous permet d’avancer dans le bon sens !!! Comment s’y prendre quand nous avons un problème. Nous n’avons pas assez de connaissances pour régler certains problèmes qui nous échappent. Surtout dans notre cas… Nous n’avons que 2 ans d’expérience dans le lait de brebis ! Nous avons aussi beaucoup apprécié votre implication et votre formation par rapport à la qualité du lait.
C’est avec ce compliment que nous finissons notre convivial repas et notre entretien en espérant que peut-être, à nous tous, nous réussirons à créer un réseau complet d’intervenants autour de l’élevage qui nous permettra d’avancer et de trouver toujours le bon chemin... et le plaisir de travailler DANS LE VIVANT !! !!
Merci Maxime ; à toi et ta famille si sympathique.