- Par Laurent Saboureau
La grande douve : mieux la comprendre pour mieux la gérer
Les Trématodes sont des parasites internes des ruminants fréquemment rencontrés, on parle de grande douve ou Fasciolose. Son impact sur la santé et sur la croissance des animaux peut être sévère et entraîner des pertes économiques majeures en élevage, d’où l’intérêt de bien connaître cette parasitose afin de la maîtriser de manière efficace.
La grande douve ou Fasciolose
La Fasciolose est provoquée par la migration dans le parenchyme hépatique et l’accumulation dans les voies biliaires de Fasciola hepatica. C’est une maladie fréquente en France, pouvant entraîner de lourdes pertes notamment chez les ovins.
Cycle parasitaire
Le parasite est présent dans les zones humides. Les ruminants porteurs excrètent des œufs dans leurs fèces. Les œufs ont besoin d’eau, d’oxygène et d’une température supérieure à 10°C pour éclore en une larve nommée miracidium. Celle-ci sera ingérée par une limnée (petit escargot aquatique) où pendant 3 mois, elle évoluera en différents stades larvaires et se multipliera, pour donner des larves appelées cercaires. Elles quittent l’escargot et vont se fixer sur des plantes, se transformant en kyste appelé métacercaire. C’est la forme infestante de la grande douve et elle peut résister jusqu’à 12 mois dans l’environnement si les températures sont positives et ce qu’il fasse sec ou humide.
Après ingestion par un ruminant, le kyste se dissous dans le tube digestif pour donner une douve immature. Les jeunes douves traversent le péritoine, gagnent le foie dont elles se nourrissent en creusant des galeries. Au bout de 8 semaines, elles atteignent leur stade adulte, gagnent les canaux biliaires, s’accrochent aux parois et se nourrissent de sang. Elles commencent à pondre leurs œufs, qui sont entraînés par la bile dans le tube digestif puis dans le milieu extérieur. Il faut environ 12 semaines entre l’ingestion du métacercaire par le ruminant, et l’excrétion d’œufs dans les selles. Les formes adultes ont une longévité importante (12 mois chez les bovins, mais jusqu’à 6 ans chez les ovins).
La durée du cycle est très variable et dépend des conditions de température et d’humidité.
Symptômes
Deux formes sont observées chez les ovins :
Forme aiguë :
Elle est due aux formes immatures en migration intra-hépatique. Elle apparaît en automne suite à une infestation d’été. On observe un syndrome d’anémie aiguë (pâleur des muqueuses, léthargie, essoufflement) avec parfois une mortalité rapide et forte liée à une hépatite hémorragique nécrosante (complication due à des clostridies). Le foie est friable et contient des jeunes douves en quantité.
Forme chronique :
Elle est plus fréquente et liée à une infestation modérée. Elle apparaît en fin d’automne et s’affirme durant l’hiver. En premier lieu, la migration des formes immatures entraîne des signes semblables à la forme aiguë. Puis l’action des formes adultes liée à leur séjour dans les canaux biliaires et à leur hématophagie entraîne une phase d’état caractérisée par : une anémie, une hypoalbuminémie, et une angiocholite.
Les symptômes sur les animaux sont variables : pâleur des muqueuses, œdème de la conjonctive et sous glossien (attention ces deux symptômes sont présents également lors d’haemonchose), cachexie, perte de production et de croissance, troubles de fertilité, avortement…
L’évolution vers la mort se fait en 4-5 mois et à l’autopsie le foie présente des lésions de cirrhose, de cholangite chronique avec hypertrophie des canaux biliaires et des douves adultes sont visibles à la section.
La grande douve est particulièrement pathogène chez les ovins en raison d’une immunité de protection faible et de la longévité des formes adultes chez cette espèce (plusieurs années).
Diagnostic
La suspicion fait suite à l’apparition de signes cliniques caractéristiques : amaigrissement, anémie, signe de la bouteille. Les lésions hépatiques et la présence de parasites observée à l’autopsie sont déterminantes.
Un diagnostic de troupeaux peut être réalisé par :
Analyse coprologique :
prélèvement d’une dizaine d’animaux en fin d’été, début d’automne. Attention à l’excrétion fluctuante des œufs et à la période prépatente longue (période entre l’infestation et le début de ponte du parasite de 12 semaines pour la grande douve). On peut donc avoir des résultats faussement négatifs lors d’infestations réelles mais récentes.
Analyse sanguine (test ELISA) :
prélèvements sanguins de 5-6 animaux par lot en fin d’automne et recherche d’anticorps (attention apparition des anticorps 3 semaines après infestation).
Prévention et traitement
Mesures sanitaires :
Réduire les sources d’infestation en modifiant le biotope de la limnée (drainage des zones humides, clôture des gites à limnée pour y éviter le pâturage), ne pas épandre sur les pâtures du fumier provenant d’animaux malades (résistance des œufs possible pendant plusieurs années)…
Mesures médicales :
Débarrasser les animaux du parasite pour éviter l’impact zootechnique négatif et limiter l’infestation des parcelles.
Au minimum deux traitements annuels sont conseillés :
Un au début de l’été (lutter contre les infestations dues aux larves qui ont survécu pendant l’hiver) et un au début de l’hiver ou à la rentrée en bergerie (infestation durant l’été).
En cas d’été doux et humide, un traitement en début d’automne sera peut-être à envisager.
Un suivi coprologique ou sanguin des lots est donc fortement recommandé pour déceler au plutôt une infestation et en limiter l’impact négatif au maximum.
En cas d’infestation, l’ensemble du lot doit être traité. Les produits actifs sur la grande douve sont multiples mais tous n’ont pas la même efficacité sur les formes immatures du parasite. Face à une forme aiguë, il faudra utiliser une molécule active sur les formes immatures le plus précocement possible.
Face à une forme chronique, une molécule seulement adulticide peut être utilisée mais le traitement devra être répété deux mois plus tard.