Les échinococcoses. Partie 2 : Echinococcus multilocularis

Dans le Bulletin de l’Alliance  de décembre 2017 (N°883) nous avons  exposé Echinococcus granulosus, parasite de la famille des vers plats ou Taeniidés, responsables des échinococcoses. Nous continuons dans ce numéro avec une autre parasite : Echinococcus multilocularis.

Les échinococcoses. Partie 2 : Echinococcus multilocularis

Rappel : observé déjà par Hippocrate (460 à 370 avant JC) chez l’homme, 4 espèces ou complexes ont été décrits :

- Complexe d’Echinococcus granulosus : chien ou canidés, hôtes intermédiaires variés tels qu’ovins, bovins, caprins, équidés, camélidés et porcins (voir article précédent).

- Echinococcus multilocularis : renard ou canidés

- Echinococcus oligarthus

- Echinococcus vogeli

Les deux premières représentent les principales sources de zoonose du point de vue médical et de santé publique, l’homme intervenant en tant qu’hôte intermédiaire accidentel. L’OMS estime leur atteinte commune à plus d’un million de personnes vivant avec la maladie dans le monde, avec une qualité de vie réduite même sous traitement, et un risque vital en l’absence de traitement !!


Partie 2  

Echinococcus multilocularis

L’hôte définitif est le renard, mais chien et chat peuvent également être porteurs - excréteurs.

Echinococcus multilocularis est lui aussi un parasite de l’hémisphère Nord. En Europe, des cas sont déclarés en Allemagne, Autriche, Belgique et Suisse notamment. Les cas humains et la présence du parasite dans les fécès et intestins de renard et chien ont montré que l’échinococcose alvéolaire se retrouve dans une moitié de la France, à l’Est d’un axe Manche-Calvados / Drôme-Hautes Alpes, ainsi que dans le Cantal et l’Aveyron. Le reste des départements n’a pas participé jusqu’ici à une étude de terrain pour connaître la prévalence de cette maladie : toutefois, depuis le berceau de la Franche-Comté, elle progresse constamment de l’Est vers l’Ouest du pays, avec entre 10 et 15 nouveaux cas détectés par an au niveau national.

Le cycle de base, appelé sylvatique, tourne entre le renard et ses proies sauvages, les rongeurs comme les campagnols. Un cycle périurbain peut s’établir entre ces mêmes rongeurs et renard, chat et chien lorsque les territoires de ces hôtes définitifs se chevauchent.


Cycle

L’adulte ne fait que quelques millimètres de long, se nichant dans les villosités intestinales de l’intestin grêle de son hôte définitif.

Hôte définitif

Renard, mais chien et chat possible.

Tout comme dans le cas de Echinococcus granulosus, la contamination se fait par ingestion de tissus parasités, cette fois par ingestion de rongeur comme le campagnol terrestre : les kystes une fois avalés libèrent les protoscolex qui se transforment en quelques semaines en adulte de 4 maximum 5 segments. Le ténia adulte mature est hermaphrodite et produit des segments appelés proglottis contenant chacun de 100 à 200 œufs qui seront disséminés dans l’environnement par les fécès du renard.

Les œufs sont très sensibles à la dessication et à de fortes températures (< 5 min à 60-80°C). Ils sont par contre très résistants dans l’environnement dans des conditions idéales de température et d’humidité, leur survie pouvant alors atteindre deux ans.

La congélation ne permet pas de tuer le parasite.

Hôte intermédiaire

Rongeur notamment campagnol, autre herbivore et omnivore possible.

L’hôte va avaler les œufs soit par ingestion d’herbe souillée par les excréments de renard, ou le cas échéant de chien ou chat porteur, soit dans le cas de l’homme par contact direct avec l’hôte définitif  ou par absorption des œufs de parasite sur des légumes ou de l’eau contaminée.

Dans le cas de l’échinococcose alvéolaire, l’œuf libère des oncosphères, forme du parasite qui va traverser la paroi intestinale et migrer dans l’hôte pour atteindre principalement le foie. Une lésion hépatique sous forme de petites vésicules se développe à la façon d’une tumeur dans les tissus, avec fibrose progressive menant à une perte d’activité du foie. L’infestation peut ensuite s’étendre dans les organes environnants (diaphragme 35%, rate et pancréas 10 %) ainsi que par voie sanguine et lymphatique dans les poumons (20 %), le cerveau et les os (< 5 %).

Symptômes

Hôte définitif  

Aucun symptôme.

Hôte intermédiaire habituel  

Rare pour les animaux de rente, en fonction de l’importance de l’insuffisance hépatique.

Homme

Les symptômes dépendent de la localisation des lésions. La maladie sera asymptomatique les premières années post-infestation, la période d’incubation suite à l’ingestion accidentelle d’œufs va prendre 5 à 15 ans. Les symptômes non spécifiques comporteront asthénie (fatigue intense), anorexie et perte de poids, douleurs abdominales (25-30 % des cas), ictère (jaunisse, 20 % des cas), hépatomégalie (hypertrophie du foie, 15-20 % des cas).

La maladie ne survient que dans un cas de contamination sur 10 : le système immunitaire permet heureusement de contenir le parasite (positivité sérologique seule, ou formation de calcifications hépatiques) dans une grande partie des infestations. Les symptômes arrivent tardivement, lorsque le foie a épuisé ses capacités de régénération.

Complications possibles :

- Insuffisance hépatique sévère : obligation d’une transplantation du foie.

- Surinfection, choc septique.

- Cirrhose biliaire secondaire.

- Formation de “métastases” dans d’autres organes (avec symptomatique associée selon l’organe touché).


Diagnostic

Renard (Chien, chat) :

Direct par :

- Coproscopie : peu fiable car indifférenciable des autres œufs de ténia, et relargage irrégulier dans les excréments.

- Autopsie.

Indirect par :

- Mise en évidence de coproantigènes produits par le parasite, pas toujours suffisamment spécifique.

- PCR des selles pour une mise en évidence de la présence ou non du parasite.

Hôte intermédiaire

Autopsie

Echographie

Anticorps sériques (ELISA)

Homme

- Imagerie médicale (scanner, IRM, échographie, radiographie).

- Test immunologique en confirmation par détection d’anticorps spécifique.

- Biopsie : sert à confirmer les résultats d’imagerie, mais très à risque de choc anaphylactique ou d’échinococcose secondaire.

Traitement

Hôte définitif

Traitement chien / chat avec

- Praziquantel (Droncit R, Drontal R) à dose de 5 mg par kg de poids vif en une seule administration pour une élimination totale des Cestodes, à effectuer toutes les 6 semaines en prévention en zone endémique, 2x à 7 jours d’intervalle en traitement.

Hôte intermédiaire

Aucun traitement économiquement envisageable !!

A l’abattoir : saisie et destruction du foie, voire des organes et de la carcasse.

Homme

Chirurgie : en cas de lésion bien délimitée, donc souvent effectuée dans les cas détectés précocement. Elle est accompagnée d’une prophylaxie avec albendazole.

Rechute possible en cas d’atteinte d’autres organes que le foie.

NB. En cas de transplantation totale, le traitement anti-rejet relance la pathologie si des métastases sont présentes dans le reste du corps !

Traitement médicamenteux à vie : albendazole à raison de 15 mg par kg de poids vif, accompagné d’effets secondaires importants (alopécie, hépatite, agranuocytose).


Prévention

Chez l’hôte définitif

Des essais d’éradication de la maladie ont été menés :

- Par élimination de la population de renards : échec lié au fait que la zone “libérée” sera progressivement reconquise par de nouveaux renards arrivant de la périphérie, et par le fait qu’il y a survie des œufs de parasite dans l’environnement pendant jusqu’à 2 ans.

- Par vermifugation des renards via la dissémination d’appât au praziquantel dans l’environnement : elle permet une baisse de la prévalence dans les zones traitées, mais le coût est très important, et la mise en place lourde.

- Par vermifugation régulière des chats et chiens en fonction des facteurs de risque : sortie en extérieur, contact potentiel avec les rongeurs, vie en zone endémique.

Chez l’homme

- Préférer récolter baies et plantes sauvages en hauteur, et les consommer de préférence après cuisson en zone endémique (confiture, tarte par exemple).

Attention, la congélation n’élimine pas le parasite !

- Clôturer le potager pour éviter l’entrée des hôtes définitifs potentiels. Dans les zones endémiques, supprimer les feuilles externes des légumes, les laver abondamment, ou les utiliser cuits.

- Utiliser des gants pour toucher un animal sauvage vivant ou mort. Sinon, ne pas porter les mains à la bouche, et les laver soigneusement aussi rapidement que possible.

- Se laver les mains après avoir eu un contact avec son animal domestique, éviter de se faire lécher le visage (risque d’ingestion accidentelle d’œufs portés par le pelage ou la langue).

- Vermifuger régulièrement chiens et chats au praziquantel. Laver les chiens au retour de la chasse dans les zones endémiques.