- Par Christelle Dubois-Frapsauce
Les entérotoxémies des ovins
Les entérotoxémies sont l’une des causes de mort subite. Elles concernent les agneaux comme les adultes, en bergerie ou à l’herbe et résultent de l’absence de maîtrise des facteurs de risques. Elles peuvent concerner plusieurs animaux en quelques jours et donc engendrer des pertes économiques non négligeables.
Les entérotoxémies sont des pathologies à forme aiguë ou suraiguë rapidement mortelles résultant de la résorption dans l’intestin de toxines produites par des bactéries présentes dans le tube digestif des animaux qui y prolifèrent dans des circonstances particulières.
Agents responsables
Clostridium perfringens type A, B, C et D, à Clostridium sordelii essentiellement.
On rencontre ces bactéries dans l’environnement (sol, boues, eau, poussières, fumier, à la surface des végétaux). Elles y persistent très longtemps sous forme de spores (formes de résistance très performantes). Les animaux sains (et l’homme) en hébergent en permanence dans leur tube digestif et contaminent leur environnement par l’intermédiaire de leurs excréments.
Pathogénécité
Les clostridies sont présentes à l’état normal dans le tractus digestif d’un animal sain. A l’occasion d’un déséquilibre entraînant la modification de pH du contenu intestinal ainsi qu’un ralentissement du transit digestif, ces germes anaérobies vont se multiplier brutalement et produire alors une grande quantité de toxines qui se disséminent dans tout l’organisme et provoquent des lésions localement et à distance. En fin d’évolution, les bactéries disséminent à leur tour dans tout l’organisme.
Selon le type de Clostridium mis en jeu, et donc selon les types de toxine produits, plusieurs formes cliniques peuvent être observées et toucheront des animaux d’âges différents.
Facteurs déclenchants : la rupture de l’équilibre
Déséquilibre alimentaire
• Changement brusque de ration
• Suralimentation (lait riche, excès de céréales , …)
• Manque de cellulose dans la ration
• Excès de glucides très fermentescibles (céréales) ou d’azote (mise à l’herbe)
Stress
• Variations brusques de température ou de pression atmosphérique (orage, froid brutal…)
• Stress physique (chien dans le troupeau, intervention thérapeutique, transport…)
Parasitisme digestif
Notamment la coccidiose et le téniasis qui perturbent la motricité des intestins et provoquent un ralentissement du transit digestif.
Il ne s’agit pas de maladies contagieuses, mais lorsque les animaux sont soumis en même temps aux mêmes facteurs de risques, alors on peut observer plusieurs cas simultanés.
Symptômes
Les entérotoxémies concernent les agneaux de quelques jours à quelques semaines, mais peuvent également atteindre les agneaux à l’engraissement ainsi que les adultes.
Forme suraiguë, la plus fréquente : mort subite sans signes préalables
Forme aiguë : on peut constater des signes nerveux (cécité, convulsions, hyperactivité ou dépression, décubitus) et des signes digestifs (douleurs abdominales, diarrhée parfois hémorragique, météorisation modérée). Le pronostic est très défavorable.
Diagnostic
Le caractère brutal de la maladie, associé à son contexte d’apparition, permet un diagnostic de suspicion. Il sera confirmé par un diagnostic nécropsique.
A l’autopsie, on peut observer
- une putréfaction et une autolyse intenses, souvent généralisées et précoces
- des lésions d’entérite congestivo-hémorragique (aspect hémorragique et inflammé du tube digestif), avec des ulcères nécrotiques,
- des lésions de septicémie (pétéchies, épanchements)
- parfois une atteinte rénale (notamment concernant C. perfringens type D, encore appelée maladie des reins pulpeux) ; un foie décoloré et friable ; des zones congestives au niveau du cœur, des muscles.
Toutes ces lésions ne sont pas toujours présentes simultanément.
L’analyse bactériologique avec dénombrement des clostridies est une donnée supplémentaire pour confirmer le diagnostic si les lésions sont peu marquées. Le typage des clostridies est rarement réalisé.
Traitement
Il est dans la plupart des cas illusoire d’espérer un résultat positif d’un traitement antibiotique : celui-ci peut limiter la multiplication des bactéries et leur dissémination dans l’organisme mais les lésions dues à l’action rapide et puissante des toxines sont souvent déjà bien trop étendues.
La prévention
Maîtrise des facteurs de risques
- gestion des transitions alimentaires, soutien de l’équilibre digestif lors de rations à risque
- limiter les facteurs de stress,
- maîtrise du parasitisme
La vaccination permet de protéger directement l’animal vacciné (immunité active) mais peut également s’envisager sur mères gestantes afin de protéger les agneaux via l’ingestion en quantité suffisante du colostrum (immunité passive).
Il faut prendre cependant certaines précautions : l’immunité ne se met pas en place du jour au lendemain et tous les vaccins ne couvrent pas les mêmes clostridies
Il convient donc de réfléchir à la vaccination adaptée à son troupeau (type de vaccin et type de protocole) et de la prévoir à l’avance afin de protéger les animaux avant les périodes à risques. Pour une bonne efficacité il est impératif de bien respecter le protocole de vaccination : primo vaccination avec DEUX injections à 4/6 semaines d’intervalle, rappel annuel pour les adultes avec une injection. Pour une protection des agneaux par le colostrum, l’injection de rappel doit être faite au plus tard 2 semaines avant l’agnelage. Les agneaux issus de mères vaccinées ne sont protégés par les anticorps maternels que pendant environ 8 semaines. Pour les protéger correctement au-delà, il faut leur appliquer une primo vaccination complète !
Les vaccins contre les entérotoxémies protègent aussi contre d’autres types de clostridioses (gastroxémies, hépatite infectieuse nécrosante, hémoglobinurie bacillaire, gangrènes gazeuses, – tétanos).
Conclusion
Pour éviter des pertes brutales et importantes d’animaux, il faut anticiper les risques ! Cela est faisable pour les entérotoxémies. Mais cela est aussi possible pour d’autres causes de mort subites, en particulier celles provoquées par les pasteurelles responsables de formes septicémiques. Là encore la connaissance des facteurs de risque et leur contrôle ainsi que la vaccination donnent de bons résultats.