Les étapes clés de la récolte du mais fourrage

La récolte a pour objectif de conserver la qualité de la production avec un minimum de pertes. Pour réussir le chantier de récolte, chaque étape compte. Retour sur les paramètres qui méritent une attention particulière.

Les étapes clés  de la récolte  du mais fourrage

La réussite du chantier de récolte du maïs fourrage dépend d’une succession de décisions et de bonnes pratiques. Les évolutions climatiques, telles que les années précoces ou celles localement tardives mettent en avant la nécessité de bien définir la date de récolte. De même, du fait de l’augmentation des débits de chantier, avec un matériel de récolte toujours plus performant et plus rapide, le tassement du fourrage au silo peut devenir un facteur limitant et ne doit pas être négligé.

Déterminer la période optimale de récolte

Le stade optimal de récolte se situe entre 32 et 35 % de matière sèche (MS) plante entière : le rendement est stabilisé, la teneur en amidon est voisine de 30-32 % de la matière sèche de la plante et, en conditions normales de végétation, la qualité des tiges et des feuilles n’est pas dégradée. Une récolte trop précoce limite le rendement, ainsi que la teneur en amidon, et entraîne des jus au silo. Une récolte tardive augmente le risque de mauvaise conservation, notamment par défaut de tassement.

La date de floraison (sortie des soies) est le premier indicateur de la précocité de la parcelle. L’observation des grains un mois après floraison permet d’anticiper la date de récolte. L’apparition de la lentille vitreuse à l’extrémité des grains des couronnes centrales de l’épi correspond au stade 23-27 % de MS. À ce stade, les besoins sont de 24 degrés jours pour gagner un point de MS. Une répartition dans le grain des trois amidons (laiteux, pâteux et vitreux) correspond au stade optimal de récolte, c’est-à-dire 31-34 % de MS selon l’état de l’appareil végétatif.

Maîtriser la finesse de hachage

Les gros morceaux (> 20 mm) sont indésirables car ils gênent le tassement du silo et provoquent des refus à l’auge entraînant une baisse de consommation des vaches. La présence de plus de 1 % de gros morceaux (soit le contenu d’un gobelet pour un seau de 10 litres) traduit un défaut de réglage ou d’entretien de l’ensileuse.

Les particules moyennes (de 10 à 20 mm) doivent représenter 10 % à l’auge. Limiter leur présence améliore le tassement, surtout si la teneur en MS du maïs dépasse 35 %, mais pénalise la rumination des vaches. Dans le cas des maïs qui ne se dessèchent pas facilement (récolte en octobre, dans les régions voisines de la Manche, par exemple), il est envisageable d’augmenter la longueur de coupe jusqu’à 15 à 20 % de particules moyennes, mais avec un risque de baisse d’ingestion. Par ailleurs, les désileuses et mélangeuses peuvent réduire d’un tiers le nombre de particules moyennes.

La longueur des particules n’est pas le principal facteur de maîtrise de l’acidose. Il faut veiller, en premier lieu, à la composition de la ration : le taux d’amidon doit se situer entre 22 et 25 % de la MS de la ration et ne pas dépasser 28 % maximum pour des vaches laitières en première moitié de lactation (voir article “Ensilage de maïs riche en amidon : trouver le bon équilibre de la ration“).

D’autres paramètres ont également leur importance. La coupe des particules doit être franche et nette, ce qui nécessite l’affûtage régulier des couteaux de l’ensileuse. L’attaque des grains est à adapter à la maturité. L’amidon vitreux des grains des maïs à plus de 32 % de MS a besoin d’être fractionné pour que sa digestion soit optimisée : c’est le rôle des éclateurs de grains sur les machines.



Enfermer le moins d’air possible dans le silo

Le processus de fermentation aboutissant à la stabilisation du fourrage intervient en milieu anaérobie (en absence d’oxygène). Plus le maïs fourrage est récolté vert et humide, moins le silo tassé conserve de porosité et plus vite le peu d’oxygène retenu dans le silo est consommé par la respiration du végétal ou l’activité microbienne. À 30 % de MS, 1 kg de matière sèche enferme environ 1 litre d’air. En 3 ou 4 heures, l’oxygène du silo est consommé et le processus de fermentation démarre rapidement.

En revanche, un maïs fourrage plus sec (plus de 35 % de MS) est plus difficile à tasser. L’air enfermé dans le silo représente 2 à 4 litres par kg de matière sèche et beaucoup plus en haut du tas. Le processus de fermentation démarre alors plus lentement et, en présence d’oxygène, les levures et moisissures se multiplient. En condition hermétique leur activité est ralentie et cesse d’échauffer le silo. Mais, par la suite, cette activité reprend de plus belle au niveau du front d’attaque : c’est la principale cause de pertes de matière sèche lors de la conservation du maïs fourrage.

Le tassement se fait par couche successive de 20 cm maximum d’épaisseur. Si le silo est assez large, utiliser deux tracteurs tasseurs ou prévoir deux silos à remplir en même temps.


Être vigilant à l’ouverture du silo

Les pertes les plus importantes de matière sèche se produisent quelques semaines après la récolte, à l’ouverture du silo. Inévitables sur le front d’attaque, les pertes peuvent aussi être atténuées dans la masse du fourrage par des bonnes pratiques de reprise de l’ensilage.

L’ouverture du silo est un moment stratégique qui conditionne la qualité du fourrage. La remise au contact de l’air du front d’attaque « réveille » les levures et moisissures naturellement présentes. Celles-ci étaient en veille par l’absence d’oxygène et la baisse du pH dans la masse du fourrage. Ces micro-organismes consomment alors les sucres du maïs et dégagent de la chaleur. 

Les pertes de matière sèche sont estimées à 0,23 % par degré d’échauffement et par jour. Ainsi, un mètre cube d’ensilage de maïs (230 kg de MS) qui chauffe, c’est 3 à 5 kg MS par jour en moins. Sur une campagne, cela représente 5 à 15 % de la matière sèche totale du silo, selon les situations et la qualité du travail réalisé au moment de la préparation du silo et à son ouverture.


Prévoir un avancement rapide du front d’attaque du silo

Pour limiter l’échauffement du front d’attaque, il faut limiter au maximum la pénétration en profondeur de l’air qui réactive les fermentations. Pour cela, la vitesse d’avancement dans la masse du fourrage doit être suffisamment rapide : 10 cm par jour en hiver, 20 cm en été. Elle dépend de la quantité de matière consommée quotidiennement et de la surface du front d’attaque du silo. Ces paramètres sont à prendre en compte avant le chantier de récolte.

Des actions nettes et sans vibration lors des désilages

Les échauffements du fourrage peuvent également être limités en assurant une reprise propre, nette et sans vibration. Il faut donc éviter les outils vibrants qui déstabilisent la masse du silo et augmentent la porosité. En parallèle, il faut conserver un cordon de sacs de sable continu à la verticale du front d’attaque pour limiter l’entrée d’air sous la bâche. 

En cas de taux de MS à la récolte élevé, l’utilisation d’un additif d’ensilage à base de bactéries hétérofermentaires (Lactobacillus buchnerii, L. brevis) peut réduire le risque d’échauffement du front d’attaque.

Une partie des pertes, plus faible cependant, provient de la poursuite de la respiration des plantes entre la fauche et la disparition de l’oxygène dans la masse du silo fermé. Il n’y a pas grand-chose à faire pour les limiter si ce n’est de travailler rapidement, mais correctement et sans précipitation.


SIX RECETTES POUR RÉCOLTER LE MAÏS

L’utilisation du maïs pour nourrir les troupeaux de bovins ne se limite pas à l’ensilage de la plante entière. Elle peut prendre cinq autres formes tout aussi intéressantes en matière de conservation et d’énergie.

En fonction de la situation fourragère des exploitations, du scénario climatique de l’année, du stade de récolte ou des objectifs de rationnement, le maïs peut prendre des formes très variées et complémentaires.

La décision pour telle ou telle forme se prend dans les semaines qui précèdent la récolte ce qui donne toute latitude aux éleveurs.

En plante entière : une valeur sûre

Le maïs fourrage récolté plante entière est l’un des piliers de l’alimentation hivernale des troupeaux grâce à sa simplicité de culture, à la sécurité de production qu’il permet, à sa bonne conservation, à sa haute valeur énergétique (0,91 UFL/kg MS) et à son coût de production de l’unité fourragère compétitif. 

L’objectif est de récolter la plante entière entre 30 et 35 % de matière sèche. Un ensilage bien fait peut se conserver dix-huit mois…

En grain humide : un complément énergétique de premier choix

Le maïs peut aussi se récolter en grain et se conserver humide, soit sous forme de grain humide broyé ensilé (MGHE), soit sous forme de grain humide entier inerté (MGHI).

- Pour une conservation par ensilage, le grain est récolté entre 32 et 38 % d’humidité, immédiatement broyé et conservé en milieu anaérobie, en silo couloir, en silo boudin ou en silo tour. 

- Pour une conservation en grain entier par inertage, le grain est récolté entre 26 et 35 % d’humidité et conservé entier dans un contenant étanche à l’air (big-bag, silo souple ou silo tour). 

Ces deux types de conservation sont simples à mettre en œuvre. Le maïs grain humide peut aussi être conservé aplati en silo boudin. 

L’aliment ainsi obtenu est un concentré (1,22 UFL/kg MS) complémentaire d’une ration plus riche en fibre. C’est alors un complément énergétique de tout premier choix pour les vaches laitières. Il est même utilisable comme ration de base pour certains bovins viande (des références existent pour l’engraissement des Blondes d’Aquitaine).

En épi ou en grain-rafle : une valeur énergétique intermédiaire

Entre récolte plante entière et récolte en grain, il existe des formes intermédiaires de conservation du maïs. Dans le cas d’une conservation du grain par ensilage, il est possible d’incorporer une partie de la rafle au maïs grain (maïs grain-rafle) par un réglage ajusté de la moissonneuse-batteuse, ce qui permet d’augmenter le tonnage à l’hectare ainsi que la teneur en cellulose de l’aliment (1,14 UFL/kg MS). 

Il est possible également d’ensiler uniquement l’épi entier. La récolte se fait alors entre 50 et 60 % de MS, soit à l’aide d’un corn picker, le broyage se faisant à poste fixe, soit avec une ensileuse équipée de becs cueilleurs de moissonneuse-batteuse. 

La conservation sous forme d’ensilage finement broyé ne pose pas de difficulté. L’ensilage d’épis doit être considéré comme un concentré complémentaire (1,05 UFL/kg MS) d’une ration plus riche en fibres. Il est même utilisable comme ration de base pour certains bovins viande (Blonde d’Aquitaine). 

Mais grain sec

Enfin, le maïs peut être récolté en grain et conservé à 15 % d’humidité après séchage (1,22 UFL/kg MS).


Bertrand CARPENTIER (ARVALIS - Institut du végétal)