Lutte contre les insectes ailés

Taons, mouches, moucherons et moustiques divers sont le lot quotidien de nombreux chevaux quand arrive la belle saison. Ils induisent de nombreux désagréments plus ou moins graves.

Comment limiter l’infestation par ces indésirables ? Quels sont les moyens de lutte à la disposition de l’éleveur et du cavalier ?

Lutte contre  les insectes ailés

Des désagréments variés

Le harcèlement par les insectes génère un stress chez le cheval qui peut se traduire par de la nervosité, une agitation, notamment de la tête, lorsque le cheval est monté.

Une gêne au quotidien

Au pré, il peut induire une modification du budget-temps du cheval, c’est à dire de la répartition dans la journée et du temps accordé aux activités telles que l’alimentation, le repos debout ou couché, les déplacements...

Chez les chevaux de Camargue, il est notamment remarqué qu’ils passent 2h30 de moins à s’alimenter notamment de jour à la belle saison, préférant se rassembler dans une zone de repos où ils semblent moins attaqués par les insectes (Duncan P, 1985).

Un vecteur de maladies

L’activité des insectes génère également des désagréments tels que des conjonctivites, la surinfection de plaies, la transmission de maladies, telles que la fièvre West Nile ou l’anémie infectieuse (AIE).  Enfin, une hypersensibilité à la salive d’insectes piqueurs, notamment les culicoïdes (touchant jusqu’à 10 % des chevaux) est à l’origine d’une affection particulièrement invalidante : la dermite estivale récidivante équine (DERE).

Les principaux insectes incriminés

Le cycle de vie des insectes ailés comporte en général 4 phases (œuf, larve, nymphe et adulte), les trois premiers stades ayant lieu dans les zones humides (boue, vase, fumier, déjections), le dernier sur ou à proximité des animaux. Le cycle dure en moyenne de 3 semaines à 2 mois selon les espèces.

Mouches, taons, moucherons moustiques... sévissent particulièrement à la belle saison, d’avril à octobre avec un pic en juillet. Attirés notamment par la sueur des animaux, ils sélectionnent les zones de peau fine, souvent peu accessibles au cheval...

On distingue notamment :

Les taons :  

affectionnent la proximité des bois et les prairies humides. Leur piqûre, très douloureuse a lieu principalement en pleine journée, gonfle et démange beaucoup. Elle génère des saignements qui attirent les autres insectes.

Les culicoïdes :

petits moustiques dont seule la femelle est hématophage, sont présents principalement dans l’ouest de la France (Normandie, Bretagne, Aquitaine), régions douces et humides. Actifs en particulier à l’aube et au crépuscule, un peu la nuit, leur piqûre induit des démangeaisons intenses chez les chevaux présentant une hypersensibilité à leur salive. Cette dernière est responsable de la DERE (dermite estivale récidivante équine).

Les mouches plates (mouches araignées) :

mouches d’environ 10 mm, que l’on trouve principalement sous climat doux, vivent en permanence sur l’animal qu’elles parasitent. Elles affectionnent les zones sensibles (anus, périnée, intérieur des cuisses) où leur piqûre douloureuse et leurs mouvements engendrent des réactions parfois violentes. Très dures à attraper (se déplacent en crabe) et à tuer (il faut les écraser individuellement entre les ongles), elles sont sensibles à l’ingestion de produits gras, huile ou vaseline (elles en meurent).  On peut alors enduire les zones à protéger avec des corps gras. Attention cependant aux brûlures quand il y a beaucoup de soleil.

Les mouches domestiques :

consomment les squames de peau, les sécrétions lacrymales et le sang issus des piqûres des taons, principalement aux heures chaudes. Se déplaçant d’un cheval à l’autre, elles sont vecteurs d’affections telles que les conjonctivites.

Les gastérophiles :

leur nuisance est essentiellement associée au parasitisme interne de l’estomac causé par leur larves issues d’œufs pondus sur les membres antérieurs, les lèvres, parfois la crinière du cheval et ingérés par léchage.

Prévenir une infestation massive

Supprimer complètement les insectes de l’environnement du cheval est aussi illusoire qu’indésirable. Néanmoins, il importe de bien prendre en compte les facteurs limitant leur prolifération, tant en matière de conception que de fonctionnement des installations.

Conception des infrastructures, réfléchir en amont sur :

- l’implantation des bâtiments : localisation/orientation,

-  la localisation de la fumière, lieu de prédilection de nombreux insectes : son implantation doit se conformer aux dispositions du règlement sanitaire départemental. Pas trop éloignée des bâtiments, il convient idéalement de la placer sous le vent par rapport au vent dominant,

-  l’ambiance des bâtiments et notamment leur ventilation qui intervient sur l’ensemble des autres facteurs environnementaux : température, hygrométrie, contamination par les microbes et insectes, concentration des gaz toxiques.

Prendre en compte également l’environnement proche :

- mares, zones d’eau stagnante

- bétail (parasites communs)...

- empierrer le sol dans les lieux de formation et de stagnation de boue (lieu de développement des taons, notamment, qui y survivent plusieurs années).


Fonctionnement des installations : hygiène générale et bonnes pratiques d’élevage

L’objectif est d’entraver le déroulement des cycles des parasites en général, des mouches en particulier, en réduisant la population des générations futures.

Aux écuries

- Effectuer des curages intégraux et nettoyages poussés régulièrement, sans oublier les mangeoires et abreuvoirs et leurs abords avant de les regarnir de litière.

- assurer une vidange plus fréquente à la belle saison de la fosse à fumier qui est un lieu de reproduction privilégié.

- La désinfection se fait sur locaux nettoyés (débarrassés de toute matière organique) par pulvérisation du haut vers le bas des murs, du fond vers la sortie des bâtiments, et laisser sécher. Bien rincer ensuite mangeoires et abreuvoirs.

- Une désinfection voire un vide sanitaire régulier (y compris silos et zones de stockage des fourrages) permettent également d’entraver ces cycles de développement.

Au pré

- Préserver les abris naturels (haies et arbres), espaces de vie et de reproduction des prédateurs naturels des insectes.

- Laisser un accès aux abris d’herbages l’été mais :

.  éliminer les crottins régulièrement à l’intérieur

.  équiper l’entrée de lanières chassant les insectes du corps des animaux par contact et préservant l’intérieur de l’abri

- Gérer rapidement les fuites d’eau, favorisant le développement du cycle des insectes.

Observer les animaux permet de :

- Réagir aux premiers signes (comportement, état général, marques sur le corps).

- Adapter les horaires de sortie des chevaux en fonction de leur sensibilité.

.  Sortir les chevaux de préférence la nuit et le matin tôt pour éviter les heures chaudes.

.  à l’exception des chevaux souffrant de dermite qu’il est préférable de sortir avant 17 h, heure de prédilection des culicoïdes responsables principaux de ces maux.

-  Lors de balades en extérieur : ne pas mettre un cheval sensible en tête : souvent plus attaqué que les suivants.

La lutte contre les insectes :
moyens naturels, outils et matériel

Facteurs naturels permettant de limiter les nuisances occasionnées par les insectes :

- les protections naturelles du cheval sont à préserver, notamment lorsqu’il vit au pré : toupet, crinière, queue.

- Stationnement en groupe (position tête-bêche permettant à chacun de chasser les mouches de la tête de l’autre) : éviter de laisser les animaux seuls au pré...

- Protections naturelles des sites (haies, zones d’ombre).

- Réflexes naturels : frissons (action des muscles peauciers chassant les insectes), gestes brusques, possibilité de se rouler dans la terre, limiter le pansage sur les chevaux vivant au pré (protection par la boue séchée),

- éviter l’attache prolongée de chevaux aux heures très chaudes, contraignant les mouvements d’encolure pour chasser les insectes.

Pour les bâtiments

Définitions

Insectifuge

Le terme insectifuge désigne une plante, un produit ou une substance qui repousse les insectes. On parle aussi de répulsif.

Insecticide

Le terme insecticide concerne des substances actives ou des préparations ayant la propriété de tuer les insectes, leurs larves, et/ou leurs œufs. Beaucoup sont à base de pyréthrinoÏdes.

Désinsectisation

- “Pièges insecticides” sous forme de poudre à placer telle quelle ou à diluer et badigeonner, ils contiennent des phéromones qui attirent les insectes et un insecticide. Ces produits sont à placer hors de portée des animaux et des enfants.

- Lampes fluorescentes dont la lumière attire les insectes, associées à une grille haute tension ou des plaques les encollant.

- Systèmes ultrasons qui agissent sur le système nerveux des insectes, mais pas sur celui des chevaux (!)

- Peintures insecticides à appliquer sur les murs, peinture insecticide à la chaux hydratée (couleurs répulsives (bleu))

- Fumigènes à utiliser dans les silos (vides) et les locaux (vides et fermés), bien ventiler ensuite avant d’y introduire les animaux.

- Pièges divers type ruban adhésif.

Lutte biologique

- Introduction de prédateurs naturels des espèces à éliminer placés sur les lieux de ponte, associée à des pratiques d’élevage cohérentes avec ce mode de lutte.

- Huiles essentielles, répulsifs naturels à diffuser dans l’environnement (citronnelle, arbre à thé).

- Ventilation active des bâtiments (fait notamment fuir les mouches domestiques, les culicoïdes)

Sur les animaux.

- Chemise «nid d’abeille» ou chemise intégrale ou laissant circuler l’air mais protégeant le cheval des insectes de la tête à la queue, voire les membres (nouveaux produits) (parfois indispensable en cas de DERE).

- Franges fixées au licol et masques divers utilisables au pré ou pour monter.

- Produits à appliquer :

. shampoings insectifuges, produits liquides, sprays, roll on, voire “pour-on” (à déposer le long de la colonne vertébrale),

. en application +/- fréquente selon le produit utilisé (selon la molécule et son dosage, le contexte (travail, pré, randonnée) et les conditions climatiques). Il est à noter que beaucoup de produits sont éliminés rapidement quand le cheval transpire.

. certains produits puissants, sont sensibilisants (à tester sur une petite zone pour éviter une allergie massive), voire génèrent une réaction avec le soleil (photosensibilisants).

.  l’efficacité des différents produits est variable, leur odeur parfois prégnante !

- Les colliers type «collier à puce», placé autour de l’encolure sur cheval sont d’une efficacité controversée.

- Lutte biologique : huiles essentielles (eucalyptus, citronnelle, géranium, lavande, arbre à thé...), certaines atténuent l’odeur du cheval et de sa sueur et désorientent les insectes... répulsifs (insectifuges) naturels dans l’environnement (pyrèthre) ou à faire manger (ail).

Lutte spécifique contre les gastérophiles

- Retrait régulier des œufs sur les membres du cheval (au rasoir ou au vinaigre blanc tiédi) pour limiter l’ingestion d’oeufs par le cheval ;

- Vermifugation à la fin de l’automne avec une molécule efficace contre les gastérophiles (ivermectine ou moxidectine)


L. Marnay, M. Delerue