- Par Saïd Tahenni
Photosensibilisation
Ces dernières années on voit de plus en plus de cas de photosensibilisation dans l’élevage ovin. Le réchauffement climatique a sans doute un effet sur l’augmentation des cas. L’apparition de cette maladie est constatée en période de fort ensoleillement.
Qu’est ce que la photosensibilisation ?
La photosensibilisation est une hypersensibilité de la peau qui est exposée aux rayons du soleil, avec la présence, dans les petits vaisseaux cutanés, de molécules qui rendent la peau sensible à des radiations lumineuses auxquelles elle n’est habituellement pas sensible. Cette pathologie appelée autrefois fagopyrisme, est retrouvée chez de nombreuses espèces animales : les ruminants, les espèces équine, porcine, canine, féline, mais aussi l’homme, les lapins, les poissons, et les volailles.
Action des principes toxiques
La photosensibilisation résulte de la présence dans la circulation sanguine périphérique (vaisseaux sanguins de la peau) de substances fluorescentes ou photo-sensibilisantes. La photosensibilisation peut être déclenchée par action directe ou indirecte :
- L’action directe lorsque la substance photo-sensibilisante est une substance médicamenteuse, une plante ou une substance interne à l’organisme en lui-même.
- L’action indirecte lorsque la substance photo sensibilisante a des propriétés hépatotoxiques libérées par le foie.
Le phénomène de sensibilisation à la lumière est mis en évidence par l’action toxique du complexe : Lumière + substance fluorescente. Si chacun des composants agit seul, l’effet toxique ne se manifeste pas sur l’animal.
Origines des substances photo-sensibilisantes
Origine médicamenteuse
Éosine, fluorescéine, violet de méthyle, rouge neutre, rose de Magdala, rose bengale, fuchsine, jaune d’acridine, vaseline, phénothiazine, lanoline, tétracyclines, hématoporphyrine, sulfamides, flavones.
Origine végétale
Sarrasin, millepertuis, choux, renouée persicaire, légumineuses fourragères, avoine, carotte sauvage...
Origine endogène (issues de l’organisme)
Phylloérythrine, et Porphyrines.
Substances hépatotoxiques induisant une photosensibilisation
- Médicaments : arsenic, phosphore, dérivés de la malonylurée, certains sulfamides.
- Agents infectieux : leptospires, grande douve.
- Végétaux : sorgho, lupin, asphodèle, tribule.
- Mycotoxines : sporidesmines.
Les différents types de photosensibilisation
Photosensibilisation primaire
L’agent photo dynamique pénètre par voie digestive. Après avoir traversé l’épithélium intestinal et le filtre hépatique sans être détruit, il se retrouve dans la circulation sanguine et vient imprégner les tissus de la peau. (Exemple d’agents photo dynamiques : Millepertuis, sarrasin, avoine, ray-grass, trèfles, carottes sauvages, phénothiazines, sulfamides… Ces plantes sont toxiques par ingestion de la plante verte, sauf le millepertuis qui est également toxique à l’état sec).
Photosensibilisation secondaire
Il s’agit du phénomène le plus fréquent chez les bovins : une anomalie hépatique de naissance, à cause d’une maladie ou d’une plante toxique provoque une accumulation de la bile qui relargue les substances photo sensibilisantes dans la circulation sanguine. (Exemple de plantes toxiques : avoine, choux, sorgho, plantes à mycotoxines.
Exemple de maladies : leptospirose, grande douve, abcès hépatique, lithiase biliaire...).
Photosensibilisation par fabrication anormale de pigments
Ce type de photosensibilisation est dû à un défaut métabolique héréditaire (porphyrie) qui se traduit par une accumulation dans le sang de substances photo sensibilisantes ou Phyllo érythrine (molécule dérivée de la chlorophylle) qui se forme dans le tube digestif des herbivores sous l’action des micro-organismes qui y sont présents.
Signes cliniques
Les signes apparaissent du printemps à l’automne avec des pics en été. Les ovins et les porcs sont plus sensibles par rapport aux bovins et caprins. La maladie peut se manifester quinze jours à trois semaines après exposition à la lumière et consommation des plantes toxiques.
Les signes cutanés sont observés sur les régions dépigmentées et/ou à peau fine (oreilles, naseaux, pourtour des yeux, mamelle, face interne des cuisses, anus, vulve). Ces régions deviennent rouges, tuméfiées, et douloureuses. Quelques fois, des signes digestifs ou nerveux sont observés, suivis d’un amaigrissement lié à l’anorexie. On observe une raideur des membres, une sorte d’ivresse avec agitation de la tête, et des convulsions. Le coma survient si l’animal reste exposé longtemps aux rayons du soleil. Les signes métaboliques caractérisés par un ictère sont rarement observés.
Les signes se calment en quelques heures si l’animal est rapidement mis à l’ombre.
Sinon, les lésions cutanées forment des vésicules qui se percent et forment des croûtes noirâtres.
Si les animaux sont, au contraire, laissés au grand soleil. De graves complications peuvent apparaître comme des cas mortels dûs à l’asphyxie mécanique par obstruction des premières voies respiratoires.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur des signes cliniques associés à la présence de facteurs favorisants l’exposition à des rayons solaires ainsi que des agents photo sensibilisants.
Un diagnostic différentiel doit être établi entre la photosensibilisation et d’autres maladies comme par exemple :
- Le coup de soleil :
les lésions surviennent sur tout le corps (pas uniquement les zones dépigmentées) après une exposition intense et prolongée au soleil.
- L’urticaire :
il s’agit d’une réaction allergique localisée, même si l’animal n’est pas exposé aux rayons solaires.
- La Fièvre catarrhale ovine :
fièvre, troubles respiratoires, salivation, œdème de la face, cyanose de la langue avec des lésions des muqueuses buccales (pas de lésions cutanées sur les zones dépigmentées)
- Autres :
dermite de contact, anasarque, benoîtiose, coryza gangreneux…
NB : La porphyre (photosensibilisation congénitale) se manifeste très rapidement après la naissance. Les veaux ont les os bruns, les dents roses et les urines très foncées.
Traitement
- Mise à l’ombre des animaux.
- Destruction des fourrages contaminés ou toxiques.
- Traitement local : antiseptiques, pommade PHYT AP POMMADE
- Anti inflammatoire
- Un hépato protecteur PHYT AP HEPATO en granulé ou buvable ou EPAPHYT B (pour l’Agriculture Biologique)
- Traitement de la cause en cas de douves ou leptospirose
Prévention
- Connaître les facteurs favorisant cette maladie (les produits photo-sensibilisants) permet d’éviter cette pathologie.
- Ne pas faire pâturer les animaux sur des cultures ou des zones où prolifère des végétaux ayant un effet photosensibilisant (sarrasin, avoine, ray-grass, trèfles, carottes sauvages, choux…) en période de fort ensoleillement.
- Laisser à l’abri du soleil les animaux traités avec des médicaments ayant un effet photo sensibilisant.