Un bon ensilage : une garantie alimentaire et sanitaire

La qualité de l’ensilage distribué en hiver se détermine dès la réalisation du chantier d’automne. La qualité du grain pour le maïs, la quantité de matière sèche dans la plante, le tassement, la propreté, le lieu de stockage conditionnent les résultats obtenus avec cet aliment. Mais dans des contextes climatiques aussi hétérogènes et peu prédictibles que ces dernières années, planifier un chantier d’ensilage dans les meilleures conditions de pluviométrie et/ou avec une plante (maïs ou herbe) récoltée au stade idéal peut se révéler être une gageure. Il est alors tentant de distribuer ces fourrages fermentés même si la qualité et la conservation ne sont pas au rendez-vous. Avant de prendre cette décision, il est important de connaître et d’évaluer les risques encourus.


Un bon ensilage : une garantie  alimentaire  et sanitaire

La listériose, un temps d’incubation parfois élevé

Le premier piège sanitaire avec les fourrages fermentés et le plus connu est la listériose. Listeria (monocytogénes ou ivanovii) est une bactérie vivant dans le sol et proliférant dans les fourrages fermentés si l’humidité est élevée, en présence d’air et/ou d’un pH faiblement acide (>4). On la retrouve donc en cas d’excès d’humidité, d’ensilage mal tassé, mal obturé (bâches percées, non jointives, balles d’enrubannés mal stockées…) avec une baisse de pH insuffisant. La présence de terre est le facteur déterminant. La terre peut provenir des roues du tracteur (notamment lorsque le chantier se passe par temps de pluie), du sol si le silo taupinière est à même le sol ou de la parcelle (notamment pour les ensilages d’herbe fauchés sur une parcelle infestée par les taupes). 

La contamination se fait de façon insidieuse. Le plus souvent rien n’est visible (ni motte de terre, ni moisissure). La seule constatation est une hétérogénéité de conservation de l’ensilage. A noter qu’un ensilage de bonne qualité sous-utilisé avec un front d’attaque trop lent est lui aussi responsable de la prolifération de listéria. 


Les symptômes sont caractéristiques mais l’incubation est lente. Il peut parfois se passer plusieurs mois entre l’ingestion et le début de la maladie. De plus certaines mères rejettent la bactérie dans leurs crottes contaminant ainsi la mamelle en dessous. Il est ainsi possible de retrouver des listérioses sur des mères au pré ou sur des jeunes n’ayant jamais mangé de fourrages fermentés. Les petits ruminants sont les plus sensibles. 

Le premier symptôme est une fièvre parfois importante. Très visible chez la chèvre, ce symptôme peut passer complétement inaperçu chez la brebis. Puis l’animal manifeste des comportements anormaux : il fait le tour de la case, se plante dans le râtelier sans savoir en sortir, se cogne, sursaute, parait aveugle. Ensuite, les signes de paralysie apparaissent surtout au niveau de la face ; la paupière et l’oreille du même côté tombent, la babine pend, l’animal a alors du mal à avaler et le jus d’herbe coule d’un côté. Il finit par se coucher, la tête contre le ventre toujours du même côté. En fin d’évolution il pédale, convulse et meurt. La maladie peut durer de quelques jours à quelques mois en fonction des traitements et des animaux. 


Listeria peut se manifester uniquement par des avortements non typiques. Les formes abortives et nerveuses n’étant que très rarement présentes en même temps. 


A noter que c’est une bactérie difficile à mettre en évidence et qu’une analyse de laboratoire négative ne signifie pas nécessairement que Listéria n’est pas en cause.


Une mauvaise conservation peut bloquer un lot d’agneau entier


L’utilisation de fourrages fermentés peut nuire à la flore digestive notamment dans les espèces à flore peu stable (brebis /chèvre). Après ingestion de ce type d’aliment par de jeunes ruminants, on peut constater des changements notables dans la flore ruminale :  champignons et des bactéries sans intérêt digestif prolifèrent au dépend de la flore ruminale et intestinale normale et utile. 

Chez les agneaux, du fait de leur flore jeune et très instable par rapport à celle des veaux, la dégradation de flore est plus rapide et parfois définitive. La forte teneur en grain d’un ensilage de maïs aggrave ces phénomènes via l’acidose ruminale. Les agneaux à flore perturbée ont 2 types de symptômes. Les 1ers sont purement digestifs. Diarrhée, mauvaise croissance, manque d’appétit sont les principaux signes, les agneaux semblent « brûlés », ils mangent mais leur croissance est stoppée. L’autre catégorie de symptômes est de type nerveux. Des bouleversements de flore sont le lit de nécrose du cortex et d’enterotoxémie. Faire la différence avec la listériose est parfois compliqué. Certes il n’y a jamais de fièvre dans les nécroses du cortex mais la fièvre disparaît vite dans le cas de listériose. Le plus souvent en présence de symptômes nerveux sur des animaux ayant mangé un fourrage fermenté on traite les 2 causes probables : antibiotiques (tétracycline ou pénicilline) et anti-inflammatoire stéroïdien (dexamethasone ou pred-nisolone) pour la listériose et vitamines B pour la nécrose du cortex. 

Dans tous les cas, il est conseillé d’écarter le fourrage et de distribuer de la paille et un peu de grain pour que la flore puisse se rétablir, dans les cas sévères des activateurs de flore (lactobacillus +/- saccharomyces) NUTRE-AP RUMILEVURE, peuvent aider à écourter le temps de guérison de la flore digestive. Pour les lésions cérébrales, les chances de guérison sans séquelles sont médiocres, c’est pourquoi en présence d’un fourrage suspect (moisissure, bâches abimées, mauvaise odeur…) mieux vaut ne pas le donner aux moutons ou aux chèvres, ni dans l’aliment ni dans la litière -certaines moisissures sont très appétentes-. Les vaches sont moins sensibles aux écarts de qualité, les éleveurs mixtes trouveront une certaine sécurité à donner aux bovins les ensilages et balles enrubannées douteuses. Les précautions prises durant le chantier ainsi qu’une analyse (pH, MS, butyrique) permettent également de rendre l’utilisation des ensilages plus sûre.