- Par AP
Légumineuses : fixation d’azote et transfert
L’azote est l’un des facteurs les plus limitants pour la croissance des plantes.
La capacité d’une légumineuse à utiliser l’azote de l’air est l’avantage le plus connu de la légumineuse, mais pour autant la moins comprise.
La première grande qualité des légumineuses est la capacité de production de biomasse de très haute qualité, sans nécessité d’apport d’azote. Le second avantage est l’aptitude à fixer de l’azote, ce qui permet de soutenir leur croissance, ainsi que celle des autres plantes des pâturages. Les bactéries rhizobium trouvés dans les nodules racinaires des légumineuses peuvent fixer une grande quantité d’azote à partir de l’air, ce qui réduit la nécessité d’apporter des engrais dans des prairies ayant une légumineuse présente.
La plante ne fixe pas l’azote directement, mais elle s’associe à des bactéries Rhizobium qui vivent dans de petites structures appelées nodules sur les racines des légumineuses. Ces bactéries vont prendre l’azote gazeux de l’air dans le sol, et le transformer afin qu’il puisse être utilisé par la plante. Le processus de fixation de l’azote entre la légumineuse et les bactéries est une relation symbiotique bénéfique pour ces deux organismes. Ceci est un transfert réciproque de substances. Les bactéries Rhizobium fournissent de l’azote à la légumineuse, en contrepartie la plante fournit des hydrates de carbone (énergie de la plante). Cet échange est donc sujet à un échange équilibré. Si je donne 10 centimes à la boulangère, me donnera-t-elle une baguette entière en retour ? Non certainement pas ! Tout ce qui réduit la croissance des plantes, telle que la réduction de la masse foliaire résiduelle après le pâturage, réduira également la quantité d’énergie échangée avec la bactérie. En conséquence ceci limitera la capacité de fixation de la légumineuse. Il est donc important de ne jamais surpâturer les plantes ! Maintenir une surface foliaire suffisante afin de maximiser l’efficience de la photosynthèse est crucial pour obtenir un taux de fixation élevé.
Les facteurs qui vont influencer le taux de fixation sont divers, notamment la photosynthèse, la croissance de la plante, la durée de la saison, la température du sol... Mais si elle a le choix, la légumineuse va d’abord utiliser l’azote dans le sol avant d’obtenir de l’azote de l’air, une légumineuse qui pousse sur un sol très pauvre en azote, obtiendra plus d’azote de l’air. Autrement dit, la capacité de fixer de l’azote est tributaire de son environnement mais aussi de la gestion des pâturages. Il faut garder à l’esprit que la légumineuse fixe l’azote pour sa croissance dans un premier temps et que cette dernière peut être fainéante si on apporte des solutions «miracles».
Le transfert de l’azote aux autres plantes
Les légumineuses sont généralement cultivées avec des graminées dans l’espoir que la légumineuse fournisse de l’azote aux autres plantes prairiales et ainsi éliminer ou réduire l’engrais azoté commercial. Il convient dans un premier temps à comprendre que les graminées ont des systèmes racinaires plus fibreux qui sont plus efficaces pour extraire les nutriments et l’humidité du sol que les légumineuses qui elles ont un système racinaire pivotant. Par conséquent, dans une association légumineuse / graminée, la graminée utilisera l’azote dans le sol plus efficacement. Comme le niveau d’azote dans le sol diminue, les légumineuses obtiendront plus d’azote de l’air.
Il est communément admis que les légumineuses libèrent de l’azote dans le sol par leurs racines et donc que le simple fait d’avoir des trèfles par exemple, réduira la nécessité d’apporter des engrais ; ceci est une idée fausse. Il existe en effet une libération de certains composés azotés solubles à partir des racines et des nodules de légumineuses, mais dans une quantité négligeable. Les principales voies de transfert de l’azote dans le sol sont par l’action de pâturage ainsi qu’à travers la décomposition de la végétation (piétinement...). La plus grande partie de l’azote est entreposé dans les parties aériennes de la plante, le restant est stocké dans la couronne, les racines et les nodosités.
Les estimations montrent qu’environ 75-80% de l’azote est retenu dans les parties aériennes de la plante. Lorsque la légumineuse est consommée par les animaux, 80 à 90% de l’azote contenu dans les parties aériennes des légumineuses passe à travers l’animal et est excrétée dans l’urine et les fèces. L’un des problèmes qui peut limiter la valorisation de l’azote à ce stade est la distribution des matières fécales et des urines. Avec un pâturage qui n’est pas sous pression animale et non géré la plupart des déjections animales sont concentrées autour de la source d’eau et les zones d’ombrage. La distribution des excréments est améliorée par la mise en place d’un parcellaire cohérent ainsi que la gestion des pâturages, et de l’eau dans chaque parcelle. Attention toutefois à respecter la capacité de charge de l’exploitation (limite de production biologique inhérent à un site) qui ne serait pas viable économiquement et nuirait à votre ressource naturelle.
La valorisation de l’azote est soumise à d’autres conditions. Il est capital d’avoir un sol sain et vivant permettant à la vie du sol de prospérer, car ces étapes ne sont que le début du cycle de transformation et de transfert de l’azote.
Évaluation Visuelle du sol
Cette évaluation est extraite de l’Évaluation Visuelle du Sol et de la performance des plantes en pâturage et maïs - Guide de terrain - PâtureSens et BioAgriNomics.
La capacité fixatrice d’azote d’une prairie peut être évaluée par la densité, la taille, la couleur et la profondeur des nodules de trèfle. Prélever trois ou quatre pieds de trèfle à la bêche, en poussant jusqu’à 25 cm de profondeur. Secouer doucement le sol pour dégager le système racinaire et les nodules de trèfle (Figure 1). Évaluer le nombre de nodules, leur taille, leur couleur, la profondeur à laquelle on les trouve, et la couleur de la leghémoglobine au sein du nodule (Figure 1), et comparer avec les critères du Tableau 1. L’évaluation des nodules de trèfle est plus facile au printemps quand la croissance des feuilles et la demande en azote est la plus grande, mais elle peut être vérifiée à tout moment de l’année tant que la plante n’est pas stressée par le manque de feuilles, par la sécheresse ou des températures du sol ou de l’air trop basses ou trop hautes.
Les nodules de trèfle ont un cycle de vie court de 3-4 semaines. Des nodules sains sont d’abord blancs, puis deviennent roses à la surface au fur et à mesure que la leghémoglobine se développe à la surface ; lors ils deviennent actifs et fixent l’azote de l’air. Plus la teinte est rouge, plus le nodule est actif. Les nodules déclinent ensuite à mesure que la leghémoglobine se dégrade en un pigment biliaire jaune (Figure 2) avant de s’allonger et de redevenir blanc ou gris, comme un ballon dégonflé. Selon leur stade de maturité, les nodules vont avoir une gamme de tailles allant de minuscule à 3-5 mm. Les nodules de racines saines à maturité vont donc être variés dans leur taille, leur forme et leur couleur. Pour évaluer le degré de rougeur de la leghémoglobine, sélectionner trois au quatre des nodules les plus roses, les couper en deux à l’ongle et regarder leur couleur à la loupe.
Pour résumer :
L’autonomie en azote n’est pas une utopie, en revanche cela dépend principalement de la gestion des plantes, et donc de la gestion du pâturage. Pour valoriser et utiliser la capacité des légumineuses à fixer et rendre disponible de l’azote aux autres plantes prairiales, il faut :
- favoriser l’efficience de la photosynthèse par une gestion des pâturages à travers les résiduels (quantité de biomasse restant après le pâturage),
- adapter le parcellaire et la gestion des pâturages pour favoriser une distribution homogène des urines et fèces,
- maintenir au moins 30% de légumineuse dans la prairie,
- favoriser par la gestion des plantes le développement de la vie dans vos sols.
Attention toutefois, lorsque que l’on gère une proportion élevée de légumineuses il faut savoir la transformer en produit vendable (GMQ ou KG lait). Attention aux risques liés pour la santé animale (météorisation...).